Sorti au Japon en 1981, Kié la petite peste est le troisième long métrage de Isao Takahata après Horus, prince du soleil, le tout premier film indépendant de l'histoire de l'animation japonaise, co-réalisé par Hayao Miyazaki en 1968, et Goshu le violoncelliste (1980). Le succès du Tombeau des lucioles (1996) et de Mes voisins les Yamada (2001) a rendu possible la sortie en France de ses oeuvres plus anciennes, en 2004 (Horus) et en 2005 (Kié.
Yoichi Kotabe, qui fut directeur de l'animation sur le film, explique comment Isao Takahata est arrivé sur ce projet, une oeuvre de commande : "Après la grande crise qui fit démissionner plusieurs animateurs de la Toei [le légendaire studio japonais], Yasuo Otsuka [l'autre directeur de l'animation du film] intégra le studio Télécom. C'est à ce moment-là que lui fut proposé de travailler sur une adaptation en dessin animé du manga Kié la petite peste. Il fit alors appel à Isao Takahata et à moi-même pour nous présenter le projet. L'aventure que nous avions vécue durant la période où nous fûmes salariés de la Tôei et surtout sur Horus, prince du soleil nous avait à ce point rapprochés que nous avons été immédiatement intéressés." De nombreux conflits émaillèrent en effet la réalisation de ce premier long, les artistes reprochant aux directeurs du studio leur conformisme.
A l'origine, Kié la petite peste est un manga en noir et blanc. Isao Takahata revient sur ce travail d'adaptation : "L'intérêt du manga ne se trouvait pas dans le scénario, mais dans chaque séquence de la BD... Il est difficile de transmettre une telle densité au cinéma, car la structure d'un film ne s'y prête pas. Il a donc fallu trouver le bon rythme et le découpage adéquats (...)Plusieurs millions d'exemplaires du manga avaient déjà été vendus au moment où nous entamions la production. Enormément de spectateurs potentiels connaissaient déjà Kié et étaient charmés par son exubérance. Il aurait été idiot de modifier ça. Pourtant, pour les besoins de la narration cinématographique,nous avons intégré au film plusieurs scènes n'étant pas issues du manga, mais toujours en cherchant à rester très conforme à l'esprit de ce dernier." Une des différences entre le fim et le manga réside dans la place accordée à la description de la ville d'Osaka, très précise dans l'ouvrage et plus sommaire dans le film.
Peu de temps après la sortie en salles du long-métrage, une série télévisée relatant les aventures de la petite Kié fera son apparition dans les petites lucarnes japonaises. 64 épisodes seront diffusés. Quelques-uns seront réalisés par Isao Takahata (également créateur de la mélodie du générique et de plusieurs story-boards) qui abandonnera bientôt à d'autres ce projet pour se consacrer à d'autres activités, notamment, en compagnie de Hayao Miyazaki, la fondation du studio Ghibli, qui verra le jour en 1984.
Yasuo Otsuka confie qu'il a été particulièrement séduit par l'originalité du projet par rapport à la production de l'époque, et par la personnalité de Kié : "(...) il s'agissait réellement d'un film à contre-courant. Au Japon comme ailleurs, quand c'est la mode du sport on réalise des films sur le tennis, le football ou le volley-ball. Quand la science-fiction a la cote, on filme des vaisseaux spatiaux ou, au mieux, on fait de la fantasy. Kié, la petite Peste ne rentre dans aucun cadre. C'est un film qui raconte plusieurs histoires d'une clarté exemplaire, mais qui parvient pourtant à échapper à la catégorisation. C'est cela qui m'a séduit. D'autre part, l'héroïne était superbe malgré son physique ingrat (rires). Il s'agit d'un personnage haut en couleurs, exubérant, mais qui demeure par sa sensibilité quelqu'un d'ordinaire, n'étant pas prédestiné à une vie de superstar, d'icône ou de modèle”.
L'action de Kié, la petite peste se situe dans l'Ouest du Japon, une région dont la culture et le parler sont parfois traités avec un certain mépris par la population de Tokyo. Les réalisateurs ont fait appel à des comédiens locaux pour le doublage afin de garantir une certaine authenticité. A sa sortie, le film a été un grand succès dans cette partie du Japon.
Le film a longtemps été connu sous le titre Chié la petite peste (le titre original est en effet Jarinko Chie). Mais à l'occasion de la sortie du long métrage dans les salles françaises en 2005, le nom de la jeune héroïne a été modifié, "Kié" étant jugé moins équivoque...