Le réalisateur Hans Weingartner revendique le fait que ses personnages lui ont été inspiré par sa propre expérience, et ses propres frustrations. "A l'époque de mes vingt ans, j'étais comme eux, un jeune homme très en colère qui hurlait 'Pour un autre monde' ou 'La révolution, tout de suite'. Nous combattions le système tout entier, parce qu'il était mauvais pour tout le monde. (...) Mes amis pensaient comme moi, mais aucun de nous n'a trouvé de famille politique à laquelle adhérer. Nous rejetions l'embrigadement.
Pendant cette période, je vivais dans un squat à Berlin. Un jour des centaines de policiers sont venus nous déloger. Ils ont jeté mes affaires par la fenêtre. Ils nous ont traité comme de dangereux criminels. Ils ont détruit l'immeuble tout entier. Cette expérience a été très traumatisante. Je me suis promis d'intégrer mes idées politiques dans mes films".
Il est assez aisé de comprendre, au vu de ses influences, la façon dont Hans Weingartner conçoit l'art cinématographique : "J'ai toujours aimé le cinéma engagé. J'admire le travail de Michael Moore, de Mike Leigh, de Costa-Gavras. The Edukators raconte la soif révolutionnaire, sans apporter de réponse facile parce qu'il n'en existe pas. Comme mes personnages, je pense que tout regard critique sur le monde semble avoir disparu. Plus personne ne crie, 'Réveillez-vous les gars ! Nous vivons dans un système pervers ! Il faut agir !' ".
De là ce récit militant d'une tentative de "résistance poétique", comme une proposition lancée aux nombreux " jeunes qui aspirent à un changement politique", mais ne trouvent pas de projet qui leur convienne, "dans une société tellement individualiste que toute dynamique de groupe est devenue impossible, ou presque".
Oeuvre à thèse, le film illustre les préoccupations du réalisateur, et laisse transparaître ses intentions : "J'espère que The Edukators contribuera à ouvrir les esprits. Il est temps que les gens comprennent ce que les multinationales sont en train de faire. Elles construisent un système économique au sein duquel les êtres humains ne comptent pour rien et l'argent est roi". Cependant, "le principe même des actions de Peter et de Jan est ludique. Le film repose sur un jeu. (...) Je voudrais que les gens rient en voyant ce film. Je voudrais qu'ils s'y amusent".
"J'aimerais donner au jeune public de The Edukators le désir de renouer avec ses énergies révolutionnaires. Finie la glande ! L'heure est à la révolte ! Et qu'elle soit gaie ! "
Le personnage d'Hardenberg (Burghart Klaussner) se voit attribuer une fonction assez spécifique. Incarnant le constat d'échec de la précédente révolte contre l'ordre établi, selon le fameux principe "Les révolutionnaires d'aujourd'hui sont les réactionnaires de demain", il replace le film dans la perspective d'un éternel retour des phénomènes sociaux et historiques, par cycles. Le récit de son évolution résonne dès lors comme un avertissement : "j'aimerais bien que le film fasse réfléchir à ce qu'est devenue la génération qui nous a précédé, celle de 1968. Les révolutionnaires d'alors ont changé de bord. Le personnage d'Hardenberg, par exemple, est un ancien radical devenu homme d'affaires (...) Il est précisément devenu ce qu'il dénonçait. Au cours d'une vie, les gens se transforment: (...) ils orientent leurs énergies vers d'autres objectifs, sans doute plus égoïstes. Ils deviennent fatalistes. Ils n'ont pas rejeté leurs valeurs : ils les ont trahies sans le savoir".
Le film a été entièrement tourné en numérique, sans éclairage artificiel, à l'épaule pour que le mouvement de la caméra épouse celui des acteurs. "J'ai essayé de faire mon film dans les mêmes conditions que mon premier long-métrage, pour consacrer plus de temps aux acteurs", explique le réalisateur. "On a volontairement réduit le budget. Plus on a d'argent plus la pression est forte. J'ai travaillé avec une équipe réduite, ce qui m'a permis d'établir le plan de travail comme je le voulais -enfin, la plupart du temps. Cette méthode permet de travailler rapidement et de saisir au vol les idées à peine nées ".
Le rôle de Peter a été écrit pour Stipe Erceg, que le réalisateur avait découvert dans le film d'un ami. Daniel Brühl a pour sa part rejoint le casting bien plus tard, l'un de ses projets venant de tomber à l'eau. Quant à la jeune fille qui devait interpréter Jule, ce n'est qu'au terme de huit mois de recherche qu'Hans Weingartner finit par trouver son héroïne avec Julia Jentsch. Mais l'actrice venait de signer pour un autre film. Le tournage dut donc être avancé de quinze jours, et même organisé en deux parties.
Respectivement père et fils séparés par le mur et les aléas de l'Histoire allemande dans Good bye Lenin !, Burghart Klaussner et Daniel Brühl se retrouvent ici, de nouveau séparés par l'idéologie...