Avec 10e chambre, instants d'audience, Raymond Depardon poursuit, dix ans après, le travail entamé avec Délits flagrants (1994). Dans ce premier documentaire, le cinéaste se penchait sur l'itinéraire procédural des personnes arrêtées en flagrant délit par la police de leur arrivée au dépôt jusqu'à l'entretien avec l'avocat.
10e chambre, instants d'audience est présenté au Festival de Cannes en 2004, en sélection officielle hors-compétition.
"Le temps consacré au jugement n'est pas celui des Assises ou celui des grandes affaires judicaires médiatisées. C'est le travail rapide et quotidien de la justice. Ce sont des affaires de droit pénal général : vols simples et aggravés, violence conjugales, séjours irréguliers, conduites en état d'ivresse. Le peu de temps consacré à ces petits drames révèle une fracture sociale entre deux mondes, et les échanges sont souvent pauvres, fatalistes et pathétiques".
"Le respect des personnes a d'abord consisté à bien les filmer et bien les écouter. Nous nous sommes placés à la heuteur de ces femmes et de ces hommes que nous avons filmés, pour être le plus transparents possible et ne pas gêner la mise en scène de la justice dans une salle d'audience. Ils ont donné -ils donnent- leur visage et leurs mots à la mémoire collective. Ils ont eu le courage de montrer, comme un exemple, leur honte intime, même si le plus souvent on ne perçoit que leur colère contre l'injustice de leur vie".
"Il faut être patient, ne rien attendre d'extraordinaire, c'est la justice de tous les jours, avec ses mots maladroits, ses colères renfermées, ses repenties, ses fatalités. Le film "donne à voir" : au début, nous y cherchons notre intérêt et puis, tout doucement, le film nous bouscule, nous ouvre sur les autres, sur une humanité bouleversante, pitoyable, qui peut déclencher parfois chez nous un rire crispé, et devient alors comme une partie de nous-mêmes dont nous tentons de nous tenir très éloignés".
Pour ce film, Raymond Depardon a obtenu du Premier Président du Tribunal de Paris l'autorisation exceptionnelle de tourner dans l'enceinte de la 10e Chambre du Tribunal Correctionnel de Paris : la loi du 11 juillet 1985 n'autorise normalement que l'enregistrement des procès à caractère historique, à condition qu'ils soient diffusés au moins vingt ans après l'audience. Pour 10e chambre, instants d'audience, l'équipe n'a filmé qu'avec l'autorisation écrite des personnes, en supprimant leurs noms et en attendant le(s) jugement(s) définitifs(s) avant de sortir le film. Il n'y a pas de précédent à cette autorisation.
Le tournage de 10e chambre, instants d'audience s'est déroulé sous la présidence de Mme Michèle Bernard-Requin, l'un des trois substituts du procureur de Délits flagrants (1994).