Le curé d'un village breton loge chez lui un homme qu'il a découvert, nu et inanimé, sur une plage. L'étrange inconnu, méconnaissant les usages des hommes et se disant tombé du ciel, est un ange. Si la population peut s'interroger, et le curé avec elle, Marcel Carné fait en sorte que le spectateur n'en doute pas.
Pour son dernier film, l'ex-héraut du réalisme poétique oeuvre à un sujet pavé de grands sentiments, d'humanisme et de philosophie mais d'une invariable balourdise jusqu'au dénouement, carrément grotesque. Son ange, candide et beau, est venu pour pointer les faiblesses humaines, stigmatiser les comportements des hommes, enfermés dans leurs certitudes et leurs égoismes, et par ailleurs, incapables de déceler le Beau ni d'envisager qu'il existe un Ailleurs. L'inconnu, baptisé Jean, erre dans le village, torse nu, pantalon blanc moulant et évoque moins le prosélyte que le hippie, voire l'éphèbe!
Cette représentation angélique flirte déjà en soi avec le ridicule. Au-delà (si on peut dire), à l'exception de quelques fulgurances étranges ou de la gracieuse rencontre entre la nature et la musique celtique d'Alan Stivell, ce film d'un vieux cinéaste qu'on n'imagine pas mystique mais peut-être épris d'absolu, ne convainc jamais, à cause de sa mise en
scène-même. L'interprétation figée, les acteurs et la naïveté de leurs propos, les habitants du village, comédiens de circonstances tellement mal dirigés, les dialogues mal écrits, tout concourt à plomber un sujet qui perd en merveilleux ce qu'il gagne en ridicule.
La fin, on l'a dit, est l'apogée des maladresses accumulées, où se dessine la morale du film:
les hommes pourchassent l'étranger plutôt que d'écouter son enseignement, d'écouter leur coeur en somme.
Trop d'évidences et d'approximations ont déjà, à ce moment, discréditer le message.