Évidemment la critique du film de Craven est moins bonne que celle du remake, mais enfin ne comparons pas l’incomparable. D’un coté un vrai film studio avec un budget de plusieurs millions, et la technique moderne, de l’autre un premier film réalisé avec une poignée de dollars et la technique des années 70 (et le début encore !).
C’est un très bon film, pas parfait, mais déjà on sent le potentiel du réalisateur. Celui-ci s’appuie évidemment sur un excellent casting. Ce n’était pas super bien engagé pourtant, avec une série de noms inconnus et qui dans l’ensemble le sont restés. Les deux jeunes filles sont vraiment convaincantes, et font preuve à l’écran d’un naturel remarquable. Je regrette un peu d’ailleurs qu’elles n’aient pas faite une carrière plus consistante, même dans la série Z fauchée. Coté « pourritures » c’est clairement David Hess qui tire son épingle du jeu. Il est fait pour jouer le fou un peu séducteur, vaguement bad boy sur lui et tortionnaire dès qu’il le peut. Il est très bon ici, même si je le préfère dans le même type de rôle dans La maison au fond du parc. A noter aussi les prestations des parents, bien efficace dans la deuxième partie.
Le scénario lui a des difficultés. L’histoire n’est pas mauvaise, attention, et a quand même imposer un sous-genre à l’époque, bien qu’il s’agisse d’un libre remake d’un métrage de Bergman. Le souci c’est surtout le rythme. Il y a quand même des temps morts, surtout dans la première partie. Au-delà de ces longueurs, tout ne s’enchaine pas avec une parfaite fluidité. On sent le coté un peu artisanal, et surtout le manque d’expérience de Craven dans la gestion du scénario et des transitions. Je ne vais néanmoins pas accabler un premier film comme c’est le cas ici.
Sur la forme, La dernière maison sur la gauche fait daté, c’est certain. La photographie a du plomb dans l’aile, mais bon le film date du début des années 70, a été fait avec un tout petit budget, Craven pouvait difficilement faire mieux. Il se rattrape sur la mise en scène. Il évite d’abord la dimension racoleuse du viol. C’est le genre d’exercice casse-figure par excellence pour un réalisateur. Comment montrer l’horreur et la perversité, sans sombrer dans la pornographie ou la complaisance malsaine ? Craven s’en sort très bien, et la scène avec la jeune fille au milieu du lac est magnifique. Il y a aussi à la fin quelques moments intenses, qui montrent déjà toutes les qualités du réalisateur. Les décors eux sont limités au strict nécessaire. Craven a eu l’intelligence de restreindre le nombre de lieux, et au final pour le scénario, ce que l’on voit à l’écran suffit largement. Je précise qu’il n’y a pas d’effets horrifiques dans La dernière maison sur la gauche. Ce n’est pas un reproche mais une constatation pour le public qui pourrait éventuellement craindre cet aspect. Je note une belle musique, sans doute trop sous-exploitée, c’est dommage.
En somme, La dernière maison sur la gauche, premier du nom, est un très bon film, relativement au budget bien sur, à l’époque ensuite, et à l’inexpérience du réalisateur. Il y a de l’émotion qui transparait de ce métrage, et une réelle compassion pour les victimes certes, mais aussi pour les parents. C’est là surement le gros point fort du film que d’être vivant. Alors qu’aujourd’hui la tendance est plutôt à la crudité, à la déshumanisation en matière de rape and revenge et plus généralement de film traitant du viol (le remake d’ailleurs ne suit pas beaucoup l’âme de ce premier film), La dernière maison sur la gauche, par sa construction laisse affleurer beaucoup d’émotions et de sentiments, souvent à fleur de peau. La deuxième partie du film est en cela remarquable. A voir pour ceux qui ne craignent pas le sujet.