Hallucinant, c'est le cas de le dire à propos du film d'Alejandro Jodorowski. Le réalisateur et acteur du film nous livre une oeuvre singulière. Il n'est pas possible de comprendre le contenu du film par une simple critique, il faut le regarder de très près et tout suivre car ce long-métrage dépasse tous nos fantasmes. Le réalisateur n'aborde pas le film de façon futuriste, il mêle tous les paramètres, passés, présents et futurs. Par exemple, il est très différent d'un film comme "Brazil". Ici, l'intrigue est construite sur une succession d'images et de mouvements, elle ne présente quasiment aucune discussion, seuls interviennent des monologues rares. Le réalisateur à travers cette étrange histoire veut nous prouver qu'il est possible de passionner le spectateur en construisant le film à travers des délires. Rien n'est concret, tout est fantasme et ce sont ces vices traversant nos esprits qui apparaissent à l'écran. Le film, à travers son originalité, affiche un monde décadent. Etrangement, ce monde composé essentiellement de vicieux et de sadiques rappelle le nôtre. Ce monde n'existe pas mais un jour, si l'homme continue à dériver dans les produits de divertissements à caractères débiles, ce chaos pourrait très bien s'installer bien sûr pas de manière si radicale mais tout ce qui est montré, tout ce qui est raconté traduit bel et bien les activités de l'homme dans tous les paramètres. Cette vision effrayante, épouvantable, sanglante, impitoyable, sadique, débile, prouve à quel point le réalisateur mexicain avait tout compris du monde dans lequel il vivait. Comment était-il parvenu à tout deviner, à tout rassembler sans commettre d'erreurs? Ce réalisateur est un philosophe, un visionnaire, un pessimiste. Ce film date de 1973, il est âgé à ce jour de trente-neuf années et qui aujourd'hui pourrait déclarer publiquement qu'il avait tort sur son analyse du monde et de la nature humaine? Personne sans aucun doute. Visionner ce film, c'est entrevoir les réalités, les possibilités, les limites, les défauts, les erreurs imaginables. Jamais un réalisateur avant lui n'avait osé proposer d'afficher au monde ce à quoi il ressemblait, à ce qu'il ressemble et à ce qu'il ressemblera. Analyser le passé et le présent, c'est imaginer de façon crédible un futur complètement déphasé. Critique de la société contemporaine, critique de la société de consommation, critique des plaisirs inutiles, critique de l'armée, critique de la science, Jodorowski décide de n'épargner personne dans cette satire qui frise la réalité actuelle. La façon dont il présente les choses ne s'apparente à aucune autre. Chaque secteur économique est visé et pour se moquer ouvertement de la cupidité des hommes, il les présente comme des publicités, comme des faire-valoir, comme des vertus, comme s'il pouvait exister tellement de domaines qui servent à l'homme et qui en réalité le privent de son âme. Selon le réalisateur, l'homme doit se contenter de peu, il doit tout simplement sortir d'un système qui l'empêche de vivre et de profiter de chaque instant. Un hymne à la paresse? Non, c'est beaucoup plus subtil, l'homme à cause de la science s'est écarté de son schéma naturel, il doit donc purifier son esprit, oublier toutes ces valeurs moribondes qui lui sont enseignées pour redevenir un membre de la nature, une nature qu'il saccage depuis des années. Au final, Alejandro Jodorowski rédige, réalise et signe un film indispensable dans un genre que l'on pourrait appeler la constatation de soi et par conséquent de la remise en question permanente pour tous les êtres humains. Oublier tout et tout recommencer au point de départ, tel est le message adressé au spectateur. Un chef-d'oeuvre unique, grandiose et pertinent!