A la question "faut-il aimer les ballets pour apprécier The red shoes?", la réponse est "peu importe, le film vous fait aimer les ballets". On retrouve la même équipe que sur le mythique Colonel Blimp, à savoir Pressburger au scénario, Cardiff à la photo, Powell à la réalisation, et Walbrook (génial en homme ultraperfectionniste désincarné, qui trouve la son plus grand rôle pour interpréter le rôle central du film). En fait on sent bien une absence tout au long du film. Le rôle féminin semble effectivement taillé pour Deborah Kerr, actrice fétiche de Powell , danseuse de formation, rousse comme Moira Shearer, avec des yeux et une voix assez proche. Si Shearer s'en sort très bien, on n'ose imaginer ce que le film aurait donné avec Kerr...
En tout cas le film est un bijou. Comme d'habitude on a affaire à une merveilleuse aventure humaine, avec son lot de rires, de tendresse mais aussi de drame. Powell restitue parfaitement ce microcosme où la perfection côtoie le travail acharné et le talent à l'état pur. Le directeur du ballet (Walbrook), perfectionniste jusqu'au sadisme, considère le ballet comme une religion. Mais c'est de toutes les passions que le film parle. En effet, la morale du conte d'Andersen qui donne son titre au film est qu'on ne peut vivre une passion à moitié, on la vit jusqu'à la mort. Ainsi Walbrook ne tolère pas la moindre romance parmi ses troupes, ce qui ne l'empêche pas de marcher au coup de coeur, le désir de danser étant plus important à ses yeux que le simple niveau de danse. On a le portrait d'un génie qui adore ses troupes lorsqu'il travaille avec, et qui les ignore ensuite (comme Kubrick et d'autres avec leurs acteurs, Van Gaal avec ses joueurs...). Le coeur doit être sur la scène! Vicky scellera son impossibilité à choisir entre ses deux amours, là même où les deux passions se sont concrétisées. Le ballet de 17 minutes est un morceau de bravoure du cinéma. La conclusion, baller sans héroïne, est bouleversant. Du culte en barre.