Après avoir commencé sa carrière de réalisateur au début des années 1960 avec des comédies romantiques dont une avec le couple vedette Rock Hudson et Doris Day ("Send me no flowers" en 1964), Norman Jewison est rapidement passé à des projets de plus grande envergure où il s'est confronté à des sujets plus signifiants et des acteurs à fortes personnalités comme Steve McQueen ("Le Kid de Cincinnati" en 1965), Rod Steiger ("Dans la chaleur de la nuit" en 1967), James Caan ("Rollerball en 1975) ou Sylvester Stallone ("F.I.S.T" en 1978). Norman Jewison est donc devenu un réalisateur de renom à qui l'on peut confier tout type de scénarios sans qu'il ne soit jamais dérouté par un univers qu'il lui serait étranger. Pour autant, il n'est pas parvenu à imprimer un style qui le classe parmi les plus grands. Et puis en 1987, comme touché par la grâce, il met en scène à partir d'un scénario de John Patrick Shanley cette histoire située dans le quartier de Little Italy (à New York) cher à Martin Scorsese, narrant par le menu la vie compliquée mais toujours empreinte d'une grande tendresse de ces familles d'immigrés italiens vivant à plusieurs générations sous le même toit pour être sûres que l'âme du pays restera toujours vivace. Le poids des traditions est quelquefois pesant pour Loretta Castorini (Cher) au sein de la Grosse Pomme. Paradoxalement, c'est elle qui demande à son père un mariage en grandes pompes pour effacer le souvenir d'une première union achevée rapidement par un veuvage. Sans passion, elle a en effet décidé de céder aux avances répétées de Johnny Cammareri (Danny Aiello), courtisan au long cours. Mais la pleine lune tombée sur le quartier décide tout à coup de faire de la résistance et réveille ainsi l'instinct amoureux de toute la communauté gravitant autour de la maison des Castorini. La vie de Loretta va être bouleversée par sa rencontre avec Rony (Nicolas Cage), le jeune frère de Johnny parti veiller sa mère mourante à Palerme un mois avant la cérémonie. Pendant ce court instant où la pleine lune ne veut pas quitter Little Italy, les vies de chacun vont être chahutées et les petits secrets soigneusement dissimulés vont se révéler. Mais l'esprit de famille italien restera le plus fort pour faire rentrer les choses dans le bon ordre. On le sait, Hollywood excelle dans ce genre spécifique de la comédie romantique qu'elle a inventé dans les années 1940 avec Cary Grant, James Stewart, Katharine Hepburn et quelques autres en guise d'ouvreurs le bal. Norman Jewison, même s'il frise par moment le trop plein d'émotions se pare avec dextérité des canons du genre pour délivrer une romance qui lui apportera un gros succès commercial et une reconnaissance critique unanime récompensée par trois Oscars (Cher, Olympia Dukakis et John Patrick Shanley). Mais ce très charmant "Eclair de lune" doit aussi beaucoup à Nicolas Cage, Vincent Gardena, Dany Aiello, John Mahoney et Louis Guss qui ne sont pas en reste pour donner toute son humanité au film. L'art d'en faire beaucoup sans jamais faire déborder la coupe se révèle au final un art très difficile auquel les cinéastes français s'essayent régulièrement sans beaucoup de succès, notamment ces derniers temps. Norman Jewison n'aura eu lui besoin que d'un essai pour décrocher la timbale. Soulignons enfin la sublime photographie de David Watkin ("Les diables" de Ken Russel, "Les chariots de feu de Hugh Hudson, "Out of Africa" de Sydney Pollack) qui filme admirablement New York mais aussi Cher qui n'a sans aucun doute jamais été aussi belle. A voir et à revoir pour espérer à nouveau en la condition humaine si imparfaite et désespérante par instants mais aussi souvent émouvante