Après avoir réalisé "Le Grand Bleu" qui connaît un carton dans les salles françaises, Luc Besson se penche désormais sur le genre policier avec "Nikita" et j'ai beaucoup aimé. D'abord, la première qualité de ce film est les choix en terme de scénario et de mise en scène qui étaient novateurs à l'époque de sa sortie. Côté mise en scène, Luc Besson utilise de nombreux astuces, que ce soit un cadrage élégant, un montage doté de transition dans le mouvement ou la musique bien pesante d'Eric Serra. Pour ce qui est du scénario, Luc Besson essaie de donner quelque chose de différent des films de l'époque en suivant le passage d'une fille toxicomane, violente et insoumise à une jeune femme désormais responsable et à la recherche de liberté. Et fait rarissime dans le cinéma, les scènes du film ont été tournées dans l'ordre chronologique, ce qui a permis à Anne Parillaud de bien gérer l'évolution psychologique de l'héroïne et ainsi de remporter le César de la meilleure actrice, le reste du casting étant aussi bien réussi dont Tchéky Karyo en figure paternel manipulateur, Jean-Hughes Anglade en amant enthousiaste et Jean Reno en tueur professionnel. Il faut bien entendu noter qu'il en ressort une thématique qui va être reprise dans beaucoup de films de Luc Besson : celle de la femme forte et fragile. Et bien que l'histoire a quelques incohérences assez évidentes comme le fait que l'organisation secrète ne s'occupe pas de Marco à mesure qu'il découvre la vérité, le film est doté d'un exercice de style assez rafraîchissant. Une autre qualité à donner à ce film est sa capacité à brasser autant de messages et d'interprétation en à peine deux heures. Le titre traite pêle-mêle de la quête de la liberté, du la place de la moralité dans nos actes ou encore d'une incitation à la rédemption et au pardon. Mais il y a une interprétation que je trouve géniale et pour bien vous la montrer, je suis obligé de passer en mode spoiler.
À la fin du film, la dernière opération consiste à récupérer des documents au sein d'une ambassade. Nikita gère bien l'opération au départ en rassemblant son équipe sauf qu'un événement perturbe toute l'opération. En fait, le protocole de sécurité pour pénétrer dans l'ambassade vient tout juste d'être changé, ce qui compromet la bonne tenue de la mission. Toutefois, l'opération reste maintenue. Pire encore, l'arrivée du personnage de Victor le nettoyeur vient encore plus perturber l'opération. Incapable de prendre des décisions par lui-même, il enchaîne erreurs monumentales et morts inutiles, compromettant de plus en plus la mission. Je trouve cette séquence géniale parce qu'elle traite des effets pervers de la manipulation, Victor étant certainement l'un des "enfants repêchés" de l'organisation, ainsi que du passage à l'âge adulte, l'organisation pouvant être facilement remplacée par la famille, l'école ou la société dont le personnage de Bob fait figure de père de substitution.
Un dernier point à noter sur ce film concerne son succès à l'international. En fait, Luc Besson a voulu s'échapper des canons traditionnels de la Nouvelle Vague française en s'inspirant des films américains, notamment ceux de Martin Scorsese. Ainsi, "Nikita" a été le premier film français a dépassé la barre des 5 millions de dollars au box-office mondial et a permis à Luc Besson d'enchaîner sur une carrière à l'étranger avec le tournage de "Léon". Et il a fait l'objet de quelques remakes, voire même de deux séries judicieusement appelées "La Femme Nikita" et "Nikita". C'est un film qui a posé les jalons du cinéma français dans le monde et je vous le recommande.