Présenté en compétition au Festival de Cannes en 2004, Clean a valu à la comédienne Maggie Cheung le Prix d'interprétation féminine. Lors de la conférence de presse qui a suivi l'annonce des résultats, le Président du jury Quentin Tarantino a déclaré qu'elle était pour lui "l'une des meilleures actrices du monde". C'était la troisième fois que le réalisateur Olivier Assayas était en lice pour la Palme d'or après Les Destinées sentimentales et Demonlover, mais il était jusqu'alors reparti bredouille.
Neuf ans après Irma Vep, Clean marque les retrouvailles d'Olivier Assayas avec Maggie Cheung, qui fut sa compagne dans les années 90. "Elle m'a inspiré ce film", explique le cinéaste. "Disons que Clean est la réponse à une question que je me suis lontemps posé : est-ce que cela aurait un sens, après Irma vep, de refaire un film avec elle ? A l'époque on vivait ensemble et je n'aime pas mélanger ma vie et mes films. j'ai besoin d'une forme d'intimité. Que ma vie privée et le cinéma soient étanches."
On retrouve à l'affiche de Clean Tricky, grand nom du trip-hop, qui joue son propre rôle. L'enfant terrible de Bristol avait déjà fait l'acteur pour Luc Besson dans Le Cinquième élément. Le cinéaste a également fait appel à James Johnston pour incarner l'époux d'Emily. Johnston fut le leader du groupe Galion Drunk et est un complice de Nick Cave. Le rôle du producteur est tenu par David Roback, membre de Mazzy Star, un groupe de pop atmosphérique qui compta dans les années 90 quelques fans fervents, envoûtés par la voix de sa chanteuse Hope Sandoval. Au début du film, le groupe Metric interprète live dans un club le titre Dead disco.
Le réalisateur confie que Clean est un projet qui date de plusieurs années : "J'étais dans un festival où je présentais Les Destinees sentimentales. Avec le décalage horaire, je me suis réveillé à l'aube et j'ai commencé à écrire. C'est très proche de ce qu'il y a dans le film aujourd'hui. Mais, comme je sortais des Destinées..., c'est-à-dire d'un film de personnages, d'un film d'époque, j'avais envie de faire un film très contemporain, très visuel. Ce désir s'est imposé en priorité et j'ai écrit Demonlover très vite. Mais je savais déjà que Clean serait le film suivant."
Olivier Assayas a voulu, avec Clean montrer Maggie Cheung sous un autre jour, plus proche de ce qu'elle est dans la réalité que l'image forgée par ses rôles précédents : "En fait, Maggie est une personne très connue et qu'on ne connaît pas du tout. Dans In the Mood for Love, elle incarne une femme chinoise classique, assez raide, avec un côté star dans le sens un peu kitsch du terme. C'est très bien, mais ce n'est pas du tout elle. Ce qui l'intéresse, c'est le cinéma dans un sens vif, humain, avec une modernité un peu nerveuse. C'est ce qu'elle cherchait en venant en Europe (...) Et puis il y a eu ce déclic très simple : la prendre, elle, comme modèle. Une femme entre plusieurs mondes, sans nationalité précise (...) Là-dessus, j'ai imaginé un canevas autour d'une femme qui sort de prison et veut retrouver son enfant. A partir de là, le film avait une évidence." L'actrice, quant à elle, reconnaît : "(...) je sais que jamais aucun metteur en scène ne m'aurait offert un tel rôle. On pourrait penser à moi pour interpréter une droguée, mais sous un angle tragique, dramatique, sentimental..."
Maggie Cheung incarne une femme qui fut, dans le passé, une figure reconnue dans l'univers du rock indépendant. Olivier Assayas évoque en ces termes la quête d'Emily : "Le sujet du film, c'est comment quitter cet univers mythifié, ce fantasme du mythe, pour revenir dans un monde aux émotions plus tangibles, plus universelles... C'est cela, la vraie drogue dont elle doit devenir clean. Elle va devoir apprendre à être elle-même. Il faudra renoncer au rôle qu'elle jouait dans ce petit théâtre qu'est la scène du rock indépendant (...) Elle se révèle à elle-même en se libérant de tout ce qu'on projette sur elle. J'ai voulu faire un film porté par la foi dans l'idée qu'on puisse changer. Aujourd'hui, on passe son temps à juger les gens au nom de leur passé, comme si la morale contemporaine interdisait qu'on puisse changer. Pourtant, le passage du temps ne fait que cela, nous transformer."
Dans ce film qui dépeint l'univers du rock indépendant, on entend chanter la comédienne Maggie Cheung. Elle y interprète une morceau du groupe Mazzy star. L'actrice a déjà enregistré une chanson, Hélas, en duo avec une autre actrice, Jeanne Balibar, sur l'album de cette dernière, Paramour, paru en 2003. Balibar joue dans Clean le rôle d'une des anciennes amies d'Emily.
A l'origine, la musique de Clean devait être composée de différents morceaux écrits par plusieurs groupes et interprétés par Maggie Cheung. Ce projet, qui devait être coordonné par Tricky, n'a pas abouti, et le cinéaste a finalement choisi d'intégrer des morceaux de Brian Eno, artiste qui se fit connaître au sein de Roxy music puis devint l'un des producteurs les plus réputés, notamment depuis sa collaboration avec David Bowie.
Nick Nolte avait déjà tourné avec un réalisateur français - Francis Veber en 1989, pour Les Trois fugitifs, remake américain des Fugitifs. Il avait également tourné en France à l'occasion de Jefferson à Paris de James Ivory. Mais c'est la première fois qu'il trouve un grand rôle dans un film français. Très enthousiaste, l'acteur raconte : "J'ai attendu toute ma carrière une expérience semblable à celle-ci. Ce tournage était le prolongement de la vie. Il y régnait un sentiment de douceur, de subtilité. Assayas est un homme délicat, pas du genre à crier "Moteur !" Ca tombe bien. J'ai haï ce mot toute ma vie (...) Olivier sait ce qu'il veut, à la note près. Ce genre de dévouement passionné à son travail, je ne l'avais vécu qu'au théâtre. Je suis heureux de découvrir que cela peut exister également sur un plateau de cinéma."
Jeanne Balibar, qui tient un second rôle dans Clean, incarnait l'un des personnages centraux d'un film précédent d'Olivier Assayas, Fin août, début septembre, sorti en 1999. D'autre part, Balibar et Béatrice Dalle étaient déjà toutes deux au générique de Dix-sept fois Cécile Cassard de Christophe Honoré.
Le réalisateur décrit ainsi Emily et Irène, les personnages incarnés par Béatrice Dalle et Jeanne Balibar : Elena "est la seule amie qu'ait Emily à Paris, la seule qui lui tende la main. Elle est restée fidèle à ce qu'elle était. Elle s'est durcie, mais elle est lucide. En opposition à Irène Paolini, qu'interprète Jeanne Balibar. Ce sont trois femmes de la même génération, qui ont été très proches à un moment donné, et qui, au tournant des années 90, ont choisi des voies divergentes."
Portrait d'une femme, Clean décrit aussi les désillusions d'une génération. Olivier Assayas s'explique : "Il y avait une fois naïve dans l'idée de révolution, il y avait un mouvement qui était celui de la jeunesse, qui croyait dans une transformation du monde, dont la transformation des arts serait le signe avant-coureur (...) En musique, il y avait d'un côté la variété qui plaisait au grand public, et de l'autre le rock, qui était porteur d'un espoir pour l'avenir. Mais le commerce a tué tout ça. Ces artistes marginaux se sont mis à vendre des millions de disques. Les films marginaux se sont mis à marcher. Et les anciens radicaux sont devenus les nouveaux califes à a place des anciens califes, rien ne s'est produit, le monde n'a pas tant changé que cela..."
Fan de rock, le réalisateur Olivier Assayas a toujours accordé une grande place à cette musique dans ses films. Avant Clean, il s'était déjà intéressé à l'univers du rock. Les protagonistes de son premier long métrage, Desordre (dans lequel figurait déjà le comédien Rémi Martin), sont membres d'un groupe. John Cale, figure légendaire du Velvet Underground, avait signé la musique de Paris s'éveille. Plus tard, le réalisateur a fait appel à un des groupes les plus influents de la scène alternative américaine, Sonic Youth, pour composer la bande originale de Demonlover, en 2002. Ajoutons enfin que Michka, frère d'Olivier Assayas, est l'auteur d'un Dictionnaire du rock de référence.
Après Irma Vep, Les Destinees sentimentales et un documentaire sur Hou Hsiao-Hsien, c'est la quatrième collaboration d'Olivier Assayas avec le chef-opérateur Eric Gautier, connu également également pour son travail avec Arnaud Desplechin et Patrice Chéreau. En dehors de Clean, il a signé la photographie d'un autre film en compétition sur la Croisette en 2004, Carnets de voyage du Brésilien Walter Salles.
Initialement, c'est Alan Bates qui devait interpréter le rôle d'Albrecht, finalement tenu par Nick Nolte. Mais l'acteur anglais, tombé malade, avait dû renoncer - il est décédé en décembre 2003 des suites d'un cancer. Par ailleurs, Laura Smet et Ian Brown (l'ancien chanteur des Stone Roses) avaient été eux aussi pressentis pour jouer dans Clean.