Terre et cendres a été présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes, dans le cadre de la section Un Certain Regard, en 2004. Le jury, présidé par Jeremy Thomas, lui a remis le prix Regard vers l'avenir, décerné à un premier long-métrage.
Le cinéaste se souvient : "Nous sommes en 1981, c'est un matin, j'emprunte depuis deux semaines une piste poussiéreuse qui mène à une mine de charbon dans le nord de l'Afghanistan. Je suis là afin de réaliser un reportage sur la vie ouvrière des mineurs. Avant de prendre la piste de la mine, je traverse un pont où j'aperçois un vieillard adossé au parapet, le regard perdu. A côté de lui, un petit garçon regarde curieusement les passants et les camions qui traversent le pont. Ces deux regards me clouent sur place (...) Je vois dans leurs yeux toute la catastrophe d'une guerre (...) Je veux les prendre en photo, malheureusement ou pas, l'appareil ne fonctionne pas. Ces deux visages restent gravés dans mon esprit. Vingt ans après, j'emprunte de nouveau la piste poussiéreuse de la mine... Dès les premiers instants, on s'aperçoit que l'environnement est dépouillé, réduit à un pont, une route et un chemin... On se rend compte tout de suite d'un côté, de la beauté grandiose du paysage afghan et de l'autre, de la dureté d'une nature et d'un pays marqué par la guerre."
Terre et cendres est d'abord un roman d'Atiq Rahimi, publié en France en 2000. Né à Kaboul en 1962, il est marqué par la projection de Hiroshima mon amour d'Alain Resnais dans son lycée français. Quittant son pays en 1984, il suit des études de communication à Rouen, puis tourne plusieurs documentaires en Afghanistan, avant de signer cette adaptation de son livre, qui marque ses débuts dans la fiction.
Le cinéaste a fait tourner des acteurs non-professionnels, notamment le vieillard et l'enfant. Ce sont (...) des afghans qui ont vécu les horreurs de 23 ans de guerre, explique-t-il. "Le vieux Dastaguir (Abdul Ghani) est un Kabouli de 60 ans, fou des combats de cailles. Le petit Yassim (Jawan Mard Homayoun) a 5 ans et chante toutes sortes de chansons, même la Paloma. Il est fasciné par les films d'arts martiaux."
Le cinéaste parle d'un des personnages principaux de son film : un pont : "Au beau milieu des montagnes informelles et ondulées, le pont se positionne comme un trait d'union entre les deux berges d'un lit de rivière asseché. Il sépare et réunit deux mondes différents. Le pont est mutilé, le parapet est démembré, la rouille apparaît sur la ferraille (...) Au nord, à la sortie du pont, l'échoppe donne un peu de vie au paysage. Au sud, à la sortie du pont, la guérite surveille l'entrée de la piste de la mine qui serpente depuis la route vers les montagnes. Voilà les trois personnages de ce décor principal, le pont, l'échoppe et la guérite. Ils font partie du tableau que constitue le paysage (...) Ce pont est à l'image du pays : une route suspendue sur une rivière asséchée. Un pont qui sépare et qui relie les deux rives, les deux mondes, le passé et le présent, l'attente et le voyage."
Atiq Rahimi revient sur la structure de son film : "Le temps du récit est un temps suspendu. Le passé et le futur prennent forme fragmentairement dans l'esprit des personnages. C'est dans l'espace-temps du présent que resurgissent les scènes du passé (en flashback). Comme dans Les Fraises sauvages d' Ingmar Bergman, tout ce que vivent et voient les personnages reflète directement ou indirectement ce qu'ils sont vécu dans le passé, comme un jeu de miroir. C'est l'attente, l'angoisse et le doute des personnages qui caractérisent la structure dramaturgique du film.
Pour l'écriture, Atiq Rahimi s'est adjoint les services du cinéaste et scénariste iranien Kambozia Partovi, co-auteur du Cercle de Jafar Panahi, Lion d'or à Venise en 2000.