L'Equipier est le quatrième long-métrage de Philippe Lioret après Tombés du ciel (1993), Tenue correcte exigée (1997) et Mademoiselle (2001). Toutefois, L'Equipier est un projet qui date de 1995, et que le cinéaste pensait tourner avant Mademoiselle - il avait déjà proposé le rôle de Mabé à Sandrine Bonnaire, héroïne des deux films. Dans Mademoiselle, Jacques Gamblin est auteur de théâtre, et la pièce qu'il tente d'écrire correspond en fait au scénario de L'Equipier... Un phare miniature jouait d'ailleurs un rôle-clé dans l'intrigue. Ce qui fait dire à Lioret : "Mademoiselle est donc un peu la bande-annonce de L'Equipier !"
Philippe Lioret résume ainsi son film : "Pour simplifier, disons que c'est l'histoire de deux rencontres croisées, un amour et une amitié, depuis leur naissance jusqu'à leur fin, assez tragique...". Il ajoute, à propos du thème du secret de famille, qui est au coeur de L'Equipier : "J'aime les films qui nous hantent longtemps après en nous ramenant à notre propre histoire. L'Equipier aurait tout aussi bien pu s'appeler "Secret de famille". Je suis sensible à ça... Qui étaient vraiment nos parents, comment ont-ils vécu ? La maison de notre enfance est souvent le seul dépositaire de cette mémoire. C'est donc un patrimoine aussi précieux que le château de Chambord. Il y a tous nos souvenirs, là-dedans, toutes nos racines."
Si les scènes de relève et de tempête ont été tournées en décors naturels, au pied de la Jument, les intérieurs ont été construits en studio. Le cinéaste justifie ce choix : "Il est absolument impossible de transporter une équipe de long métrage dans la folie de la mer d'Iroise. Impossible. De même, il était hors de question de tourner dans la lampe du phare et sur la coursive de cette forteresse imprenable. On a donc construit la réplique exacte des trois derniers étages de La Jument en haut d'une falaise près du Conquet : 15 mètres de haut, un immeuble de 5 étages, un vrai phare avec une vraie lampe, visible à plusieurs milles en mer (...) Ensuite, on a entouré l'édifice de gigantesques canons qui crachaient des centaines de milliers de litres d'eau, et on est monté dessus. Des vacances, quoi..."
Le phare de la jument est un des personnages principaux de L'Equipier. Philippe Lioret revient sur le travail du gardien de phare: "La vie de ces hommes est héroïque. Un phare de haute mer est un endroit d'une violence extrême où, comme on le voit dans le film, l'on peut mourir à cause d'un simple courant d'air. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle ça un "enfer". Le phare de Kéréon a été automatisé récemment. C'était le dernier encore habité. C'est donc la fin des gardiens, la fin d'un monde. Il n'y aura plus de relèves, plus de ces gardiens qui passent parfois soixante jours enfermés dans leur tour parce que "temps permet pas" de les relever, des hommes que la folie guette, qui doivent à tout prix tenir la lampe allumée, malgré la tempête qui jette des vagues monstrueuses jusqu'en haut du phare qui tremble à chaque assaut."
Philippe Lioret confie que le choix de Philippe Torreton pour le rôle d'Yvon a été évident, mais qu'il a été difficile de trouver un acteur pour tenir celui d'Antoine, finalement confié à Gregori Derangère : "J'avais envie d'une tête nouvelle, mais il fallait aussi qu'il ait le charme du mec qui vient d'ailleurs, et surtout qu'il "fasse le poids", qu'il soit charismatique, car l'Equipier, le rôle-titre, c'était lui. Pas simple, un peu comme chercher le merle blanc... Quelques rendez-vous et une séance de lecture ont suffi à me convaincre. Séduisant, dense, juste, l'oeil qui pétille... Il y a du James Stewart chez Gregori. Et puis, c'est un généreux, ça aide." Avant Lioret, Jean-Paul Rappeneau, avait déjà comparé Dérangère au héros de Sueurs froides. Pendant la préparation de Bon voyage, le film qui a révélé le comédien (et lui a valu le César du Meilleur espoir masculin en 2004), il lui avait demandé de visionner La Vie est belle de Frank Capra, un des plus fameux films avec James Stewart.
Si les réalisateurs évoquent à son sujet James Stewart, c'est à un célèbre personnage incarné par Cary Grant que Gregori Derangère compare Antoine, le héros de L'Equipier : "Il a quelque chose à cacher, et ça a été pour moi très excitant de jouer sur ces deux niveaux, un peu comme jouer une histoire dans l'histoire : il vit avec les autres, mais tout ce qu'il fait est motivé par quelque chose que tous ignorent. Antoine a quelque chose du personnage de La Mort aux trousses que je trouve un modèle du genre."
La bande originale de L'Equipier est signée de l'Italien Nicola Piovani, l'un des des plus grands compositeurs de musique de films actuels. Ses partitions, entre légèreté et mélancolie, accompagnent les films des plus grands cinéastes transalpins, de Bellocchio (Le Saut dans le vide) à Moretti (La Chambre du fils) en passant par Fellini (Intervista), les frères Taviani (Kaos) ou encore Roberto Benigni (La vie est belle). Philippe Lioret n'est pas le premier réalisateur français à faire appel à lui, puisqu'on lui doit déjà la musique de Drôle d'endroit pour une rencontre de François Dupeyron, Hors la vie de Maroun Bagdadi et Sale Gosse de Claude Mouriéras.
Emilie Dequenne joue un rôle secondaire dans L'Equipier, ce qui ne l'empêche pas de se montrer particulièrement enthousiaste lorsqu'elle évoque son travail avec le réalisateur : "Quand il tourne, on dirait qu'il place sa caméra à l'intérieur des comédiens pour filmer leurs sentiments. C'est superbe. En sortant de la projection, je ne savais plus si j'étais bouleversée ou simplement heureuse, mais je savais que, si un jour je devais réaliser un film, j'aimerais qu'il ressemble à celui-ci. Tout ce que j'aime, tout ce qui me fait vibrer est dans ce film."
Comme pour ses trois précédents longs-métrages, Philippe Lioret a coécrit le scénario de L'Equipier avec Christian Sinniger, et il s'est adjoint les services d'Emmanuel Courcol, qui avait déjà collaboré à l'écriture de Mademoiselle. Egalement comédien, Courcol interprète dans L'Equipier le curé, que les personnages croisent à vélo, à plusieurs reprises. Le producteur Christophe Rossignon fait lui aussi une apparition -beaucoup plus brève- dans le film : il joue le rôle d'un pompier.