« Allô Mademoiselle ? C’est Monsieur. Madame est rentrée ? »
Après un très réussi et assez sympathique Gas-Oil (1955), Gilles Grangier réunit pour la deuxième fois Jean Gabin et Michel Audiard, cette fois sur une adaptation d’un roman méconnu de Simenon, « Le fils Cardinaud ». Notons que Gabin et Audiard collaboreront sur deux autres adaptations de Simenon par Jean Delannoy (« Maigret tend un piège », 1958 et « L’affaire Saint-Fiacre », 1959) et que Grangier en réalisera une troisième, toujours avec Gabin mais sans Audiard (« Maigret voit rouge », 1963).
Restons néanmoins en 1956, cette décennie où Gilles Grangier réalise une moyenne de deux films par an. Simenon, Gabin, certes, mais pas de Maigret dans ce « Sang à la tête ». On est plutôt dans le genre de personnage que Simenon appelait un « riche homme » (titre d’ailleurs d’un de ses romans les plus étranges). Or, ce riche homme, à la frontière de deux mondes, sa famille et celle de sa femme qui sont prolétaires et celui des affaires où il semble dominer tout le monde de sa carrure et de son argent, a perdu sa femme. Et il la cherche.
Le casting met plusieurs seconds rôles face à Gabin, dont certains truculents, à l’image de Paul Frankeur mais surtout de Georgette Anys, exceptionnelle de gouaille et de naturel.
Le scénario, réaliste à souhait, décortique au scalpel les mesquineries des deux mondes, tout en proposant une reconstitution assez dense de l’univers des gens de la mer (notamment les enchères à la criée), l’action se situant à La Rochelle. C’est lent, certes, mais cette lenteur est indispensable pour planter le décor, sujet essentiel de cette histoire dont l’action principale n’est qu’un prétexte à assurer le rythme et faire monter la tension progressivement.
Même si ce film est l’antithèse de la passion amoureuse, même si c’est presque un anti-film, il est voir pour la description sociologique et son originalité.