Dino Risi a dix ans de carrière et une vingtaine de films derrière lui quand il entreprend ce premier film à sketches qui sera pour beaucoup le plus représentatif de son humour vachard qui ne respecte rien. Après des débuts où il se cherche à travers des comédies au ton doux amer, l'ancien médecin psychiatre trouve définitivement son angle d'attaque suite à sa rencontre avec le duo de scénaristes Age et Scarpelli épaulé par Ettore Scola (pas encore devenu réalisateur) sur "Il mattatore" (1959) où il dirige pour la première fois son alter ego, Vittorio Gassman auquel il révèle son potentiel comique. Dès lors, la frénésie du succès se met en branle avec "Il vedovo" (1959), "Une vie difficile" (1961), "La marche sur Rome" (1962) et "Le fanfaron" (1962). Plus rien ne semblant devoir lui résister, Risi songe alors au film à sketches, le plus à même de donner libre cours à l'imagination débridée de ses scénaristes qui n'auront pas à s'encombrer du lourd fardeau d'une intrigue devant tenir sur la longueur pour délivrer à des spectateurs ravis leurs gags incendiaires. De la même manière, le duo reconstitué de "La marche sur Rome" avec Gassman et Tognazzi pourra se grimer à loisir sur dix neuf sketches (il en existe un vingtième seulement disponible sur certaines versions) pour offrir des portraits complètement délirants de leurs compatriotes et contemporains. Une telle profusion génère fatalement du déchet et "Les monstres" n'échappe pas à la règle inhérente au genre. Mais ressort sans discontinuer des "Monstres" une joie de faire les pitres qui a visiblement contaminé toute l'équipe qu'elle soit un stylo à la main, derrière ou devant la caméra. Le portrait au vitriol dressé de la société italienne du réveil économique est certes évident mais l'on peut discuter de savoir si celui-ci s'apparente à un moyen plutôt qu'à un but véritable. Le récit par Risi lui-même de la vie que tous menaient à cette époque pourrait tout de même laisser à penser que l'envie de pousser la satire à son maximum par simple émulation l'emporte sur la volonté du réalisateur de confronter ses concitoyens à leurs propres contradictions. Quoiqu'il en soit, ce sont bien les petites et grandes bassesses de l'âme humaine qui servent de véhicules à tous les sketches courts ou longs. "La bonne éducation" où un père (Ugo Tognazzi) inculque à son fils (Ricky Tognazzi) le mode d'emploi du comportement en société indique dès le préambule la tonalité générale. : "Les règles sont très utiles tant qu'elles ne sont pas respectées. Par ricochet, pas de culpabilité dans la transgression puisque tout le monde s'y adonne". C'est certes un peu court comme vadémécum mais rudement rassurant et surtout très déculpabilisant dans un pays encore très catholique. Tout le reste sera évidemment à l'avenant. A ce jeu-là Gassman et Tognazzi ravis de collaborer sont imbattables. Que ce soit en ecclésiastique amoureux de son image, en père de famille indigne, en parlementaire corrompu, en avocat marron, en amant veule et lâche, en drogué de la télévision ou en éditrice libidineuse, rien ne semble être hors de portée des deux acteurs qui se font la courte échelle pour aboutir au dernier sketch (Le Noble Art) qui les unit sous la houlette d'un Dino Risi laissant apparaitre comme dans "Le fanfaron", la face désespérée qui sera plus volontiers la sienne quand il jettera ses derniers feu dans la bataille à partir de "Parfum de femme" (1975) avec des films où le désenchantement prendra de plus en plus de place ("Âmes perdues" et "Dernier Amour" en 1977, "Fantôme d'amour" en 1981 ou "Le fou de guerre " en 1985). Mais en 1963, l'heure de l'introspection n'est pas encore venue et la joyeuse bande peut sans trop se poser de questions brûler la chandelle de l'insouciance et du succès par les deux bouts pour notre plus grand plaisir.