D'un point de vue purement fictionnel, l'oeuvre demeure intéressante pour son contenu informatif sur l'auteur Harvey Pekar qui révolutionna littéralement le monde de la bande dessinée en imposant un nouveau style de récit. Fini les super-héros pleins de pouvoirs sans cesse en train de sauver le monde, fini les aventures extraordinaires et fantasmagoriques de personnages en quête de frissons et d'adrénaline, voici les comic-books réalistes, dont Harvey Pekar fut le précurseur. Celui-ci, cherchant à représenter la réalité telle qu'elle est, sans élément chimérique, se penche sur les expériences de sa vie de tous les jours et y décèle des situations typiques mais absurdes qu'il transpose dans ses comics avec un regard pessimiste et acerbe jamais dénué d'humour. On assiste donc à un film qui reprend un contenu auto-biographique, afin de présenter ce personnage atypique, mais qui propose également une vraie réflexion sur la création, la représentation du monde à travers un art et la relation entre un auteur et le personnage issu de son imagination.
Ce qui fait toute l'originalité d'un film comme American Splendor, c'est son rapport au monde de la BD, qu'il explore comme nul autre film ne l'a fait jusqu'à présent en partant d'une perspective purement formelle. Evidemment, on se souvient tous du générique d'ouverture de Watchmen, qui établissait lui aussi une sorte de dialogue méta-narratif entre la BD et le cinéma, en exploitant le motif d'images mi-figées, mi-mouvantes se succédant comme dans les pages d'une bande dessinée, mais cette réflexion sur la liaison formelle entre les deux supports s'arrêtait après cette séquence d'ouverture magistrale. Dans American Splendor, cette réverbération stylistique entre les deux médiums se manifeste durant tout le film, le prêtant ainsi à une innovation plastique puisant son inspiration dans la rencontre de ces deux médias. L'image fixe dessinée entre en contact avec l'image de la pellicule en mouvement, des textes s'implantent sous forme de bulles dans l'image, et l'image filmique se retrouve parfois découpée en split-screen pour finalement se coller à un support bédéique, qui n'est autre que l'espace d'une planche.
Si American Splendor est une réussite dans sa réflexion formelle, son apport biographique et son discours sur la créativité, il souffre d'un casting pas toujours à la hauteur. Un zeste d'audace en plus, aurait permis aux deux cinéastes d'octroyer plus de puissance au personnage de Pekar en le faisant jouer par le vrai auteur d'American Splendor, qui lors de ses rares apparitions à l'écran, fait vite oublier un Paul Giamatti terne, incapable de ranger ses mimiques inefficaces dans le placard.