Dans les années 50, on admirait Richard Brooks pour son réformisme généreux et combatif avec des films comme Bas les masques, Graine de violence ou encore La dernière chasse. Mais ce fut le coup de tonnerre avec Elmer Gantry où le courage et la rigueur intellectuelle du cinéaste y sont plus que jamais présents, où la démonstrativité des premiers films s'effacent ici au bénéfice d'une approche sensuelle, intimiste, émouvante et lucide du sujet traité. Brooks signe ici son chef-d'oeuvre en réussissant à nous offrir un "dossier" particulièrement minutieux et objectif du phénomène évangéliste tout en serrant au plus près l'évolution psychologique, les rapports passionnels et conflictuels du couple Lancaster/Simmons. Il est à la fois Jim Lefferts, le journaliste agnostique qui scrute d'un oeil froid les activités du "cirque" évangéliste, et Gantry, l'animateur-vedette de ce spectacle populaire et outrancier ou se révèlent crûment les hantises de la société américaine. On dirait que le film vient d'être tourné tant il percute notre époque et nous concerne. Pourtant on imagine mal que puisse encore se faire un cinéma de cette ampleur. L'ajout au titre français du mot "charlatan" simplifie outrageusement le propos du film qui a pour principal qualité une remarquable absence de préjugés à l'égard de son protagoniste. En effet, Elmer Gantry n'est pas un banal charlatan, c'est un croyant sincère, un "vendeur" plein de gouaille, un homme du peuple instinctif et entreprenant, un manipulateur de foules doté d'un punch peu commun grisé par ses propres harangues. C'est aussi et surtout un homme amoureux...Servi par une photographie prodigieuse de John Alton, une remarquable musique d'André Prévin, la mise en scène, étonnante d'énergie, épouse le rythme et la vitalité de Gantry magistralement interprété par Burt Lancaster qui trouve ici l'un de ses plus beau rôle justement récompensé par un Oscar.