THESE THOUSAD HILLS illustre plutôt brillament l’impossibilité de conjuger morale, réussite et pouvoir, un des fondements du rêve américain. Un honnête cow boy découvre que les banquiers, séduit par son projet entrepreneurial ne l’aiderons que de leur sympathie et encouragements (eh oui, on ne prête qu’aux riches). Callie, une prostituée (superbe Lee Remick) amoureuse de lui, avancera les fonds à l’aide de ses économies. La brillante réussite qui s’en suivra amènera la parasitocratie à le pousser vers la politique et donc le pouvoir, tout cela au bras du plus beau parti de la ville (la nièce du banquier). Reniant ses amis, il subit une anesthésie morale dont la mort d’un proche le réveillera brutalement.
Don Murray interprète avec beaucoup de finesse, cet homme sans vices ni mensonges, que la proximité du pouvoir corrompt pas à pas, à l’insu de son plein gré. Il est entouré par la magnifique Lee Remick, un Stuart Whitman dans un de ses meilleurs rôles et Richard Egan détestable à souhait. Malheureusement, le minutage trop bref, sacrifie le rôle de l’épouse interprétée par Patricia Owen, qui ne permet pas une véritable progression dans sa prise de conscience, faute de temps (deux heures auraient été mieux), si bien que son approbation finale paraît un peu parachutée. Enfin Albert Dekker, Harold Stone et les seconds rôles sont des plus crédibles. Le tout est mis en image avec beaucoup de précision par Charles G. Clarke, dans des décors très travaillés (externes comme internes). La musique enfin, par son côté bucolique et enchanteur, soutien parfaitement la démythification du rêve américain, augmentant à chaque refrain la dichotomie entre le rêve et la réalité.
Nous sommes en 1959 et le beau monde de l’Oncle Sam se fracture depuis un bon moment. Hollywood incorpora cette donnée dès les années quarante avec des films comme GRAPE OF WRATH (1940), le western y échappait, mais par la volonté du grand Richard Fleischer de revenir aux sources du mythe entrepreneurial américain (l’Ouest et ses rêves d’opportunités), l’oubli réparé allait ouvrir le style des années soixante. THESE THOUSAND HILLS par conséquence entrainera une nouvelle variante : la mort du western et ses mythes, inaugurée trois ans plus tard par John Ford avec THE MAN WHO SHOT LIBERTY VALANCE et dont THE WILD BUNCH (1969) de Sam Peckinpah constitue une sorte d’apothéose.
C’est dire si ce film, aussi injustement sous-estimé qu’oublié, mérite d’être vu. Les amateurs pur et dur du genre expliqueront que ce n’est pas un vrai western. Qu’il se posent la question : c’est quoi un vrai western ? Question bien sur sans réponse. Par contre un bon film …