"John Feeney dit John Ford (1894-1973) est un maître, et quiconque aime le cinéma, le vrai cinéma avec ses grands espaces, ne pourra pas le contester. Il incarne le western américain comme personne, même si on ne peut négliger l' importance de réalisateurs tels que Howard Hawks ("RIO BRAVO" en 1959) , John Sturges ("REGLEMENT DE COMPTE A OK CORRAL" en 1958, "LE DERNIER TRAIN DE GUN HILL" en 1959, "LES SEPT MERCENAIRES" en 1961), Anthony Mann ("WINCHESTER 73 en 1951), Edward Dmytryk ("L'HOMME AUX COLTS D'OR" en 1959), Fred Zinnemann ("LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS" en 1952) ou encore plus récemment Clint Eastwood ("L'HOMME DES HAUTES PLAINES" en 1973, "JOSEY WALES HORS-LA-LOI" en 1976, "PALE RIDER LE CAVALIER SOLITAIRE" en 1985, "IMPITOYABLE" en 1992) .
John Ford est l'homme aux multiples chefs-d'oeuvre (attention! Je parle de chefs-d'oeuvre authentiques, pas juste d' excellents films!), et celui qui a sans doute le plus influencé parmi les plus grands réalisateurs contemporains. Citer Ford, c'est évoquer les plus grands westerns de toute l'histoire du cinéma, mais pas seulement . Ainsi retrouvons-nous dans sa multiple filmographie "LA CHEVAUCHEE FANTASTIQUE" (1939), "LES RAISINS DE LA COLERE" (1940), "QU'ELLE ETAIT VERTE MA VALLEE" (1941), "RIO GRANDE" (1950), "L'HOMME TRANQUILLE" (1952), "LA PRISONNIERE DU DESERT" (1956). J' en oublie tant la liste est longue.
Mais je ne peux pas passer à côté de "L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE", qui date de 1962, et qui est son ultime chef-d'oeuvre. Toute la quintessence du cinéma de John Ford est ici réunie. S'agit-il du plus grand western de toute l'histoire du cinéma? Beaucoup le pensent, et je les rejoins.
L'irlando-américain délaisse ici les grands espaces pour nous plonger dans un film plus intimiste. Il faut avoir vu ses westerns de facture plus classique pour comprendre le virage définitif qu'il prend avec ce "L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE". Quand Ford le réalise, il est déjà affaibli par la maladie et l'alcool. Ainsi, l'analyse approfondie du film peut aisément laisser penser qu'il nous laisse bien là son oeuvre testamentaire.
Pour Ford, l'ouest, le vrai, avec sa loi dictée par le colt pour combattre les hors-la-loi (représentés ici par l'ignoble Liberty Valance, incarné par Lee Marvin), est en train de disparaître. Cette loi de l'ouest sauvage américain est peu à peu remplacée par des textes appliqués par des diplômés en droit aux ambitions politiques (ici le personnage de Ransom Stoddard, incarné par le toujours parfait James Stewart) qui vont empêcher quiconque, au final, de dégainer son arme, même pour se défendre. Une incompréhension totale pour Tom Doniphon, adepte du colt, (extraordinaire John Wayne qui prouve, s'il le fallait encore, qu'il est bien le plus grand cow-boy de toute l'histoire du cinéma!) qui va pourtant s'allier à Stoddard pour s'opposer à Liberty Valance. Leur attirance commune pour la jeune Alice (Vera Miles) n'entachera en rien leur amitié. Le film est tourné en noir et blanc (à une époque où le CinemaScope et le Technicolor ont déjà envahi les salles de cinéma), et il accentue encore plus le caractère nostalgique d'un âge que Ford sait révolu. En filmant "L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE", John Ford filme l'enterrement de toute une époque. De la sienne, en l' occurrence.
Le film débute justement par les obsèques d'un des personnages principaux. Un hasard??? Bien sûr que non! Cet événement est l'occasion pour un Ransom Stoddard désormais sénateur de révéler au journal local, le "Shinbone Star", la vérité autour de la légende qui entoure "L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE". Toutefois, à l'heure d'imprimer la nouvelle vérité au grand jour, le journaliste préfèrera reculer, et ne pas faire paraître l'article.
"On est dans l'ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende!"
Le testament de John Ford s'achève ainsi. Et quelle extraordinaire conclusion!
"L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE" est un film nostalgique, inoubliable, porté par des acteurs magnifiques, et réalisé par un Maître en la matière. Un de ces films qu'on peut voir et revoir sans se lasser. Bref, un chef-d'oeuvre absolu!"