A mon sens La Dame de Shanghai n’est clairement pas le meilleur Welles. Si la dernière partie permet de rehausser l’ensemble, on reste sur un métrage assez court, assez lent, qui ne marque pas outre mesure.
Niveau acteur celui qui s’en sort le mieux n’est curieusement pas l’une de nos deux stars, mais Everett Sloane, lequel campe un Arthur Bannister mémorable. Toutes ses apparitions sont excellentes, il a le physique de l’emploi, bref, il retient l’attention. Si le duo Hayworth-Welles reste de bonne tenue, je n’ai pas été franchement transcendé non plus, entre un Welles trop apathique et une Hayworth qui se laisse un peu vivre ici, n’ayant pas, il est vrai, un rôle d’une grande consistance. En tout cas j’espérai clairement plus de ces derniers, et finalement ils se font voler la vedette, par les rôles secondaires, dommage. Glenn Anders n’est d’ailleurs pas mal du tout non plus.
Le scénario démarre dans une première partie pour le moins lancinante, ressemblant à une sorte de comédie sentimentale pâlichonne, vaguement teinté d’humour et des répliques tranchantes du héros, mais enfin, il y a des plages longuettes et on ne sait pas trop où le film veut aller. Finalement dans sa deuxième partie le film devient plus intéressant, s’ancrant vraiment dans une histoire, et offrant un imbroglio sympathique bien que finalement le suspens ne prenne pas totalement. Reste que le rythme monte, qu’il y a plus de scènes fortes, notamment la fin, et cela parvient à remonter quelque peu la cote du métrage.
Welles livre une mise en scène travaillée certes mais trop elliptique et souvent chaotique. Si son travail sur les plans est remarquable (l’usage des plongées aussi) en revanche ses cadrages qui privilégient le hors-champs et sa tendance fâcheuse pour le gros plan gêne à la compréhension du film, et sont parfois agaçants. Cela en effet donne le sentiment de l’enfermer, et même si l’effet est peut-être voulu, cela parait assez étrange par rapport à la volonté exotique du film qui précisément semble vouloir faire la part belle aux grands espaces. Enfin, cet aspect m’a laissé quelque peu dubitatif, mais on sent quand même un beau travail sur l’image, et les efforts méritent une certaine amabilité. La musique est assez neutre.
Au final La Dame de Shanghai n’est pas un mauvais film mais c’est un métrage mineur de Welles, qui alterne des moments très forts (le final par exemple) avec des choses pour le moins banal, timide. Pour ma part je pense que ce n’est clairement pas par là qu’il faut aborder l’œuvre de Welles, mais enfin à voir une fois, pourquoi pas. 3.