Deux hommes en fuite, dont le titre original Figures in landscape semble être une meilleure traduction du concept du film, est une réussite majeure de Joseph Losey, à défaut d'être son oeuvre la plus connue. Tout à la fois film d'aventure, récit guerrier, western, il est plutôt un film aux allures mystérieuses cherchant à dénoncer toutes les formes de barbarie présentes sur la Terre en 1970 : la guerre, le terrorisme, la violence barbare, l'inhumanité. Nous ignorons tout de ces deux hommes et des raisons qui les font être pourchassés. Sont-ce t-ils des opposants politiques ? des terroristes ? des soldats en civils ? des criminels ? Peu importe tant Losey cherche avant tout à les montrer comme des proies animales pourchassées par des prédateurs (quasiment) sans visages. L'hélicoptère, remarquablement filmé, est un chasseur redoutable aux mille yeux comme un rapace fondant sur deux misérables rongeurs. Le film, dont le scénario fut revu par Robert Shaw, acquiert au fur et à mesure qu'il avance une humanité plus forte et plus ambîgue. Tout oppose les fuyards. L'âge, le milieu social et intellectuel. D'ailleurs, contre intuitivement, le plus jeune, plus intellectuel des deux est quasi mutique, laissant le flot verbal délirant au quadragénaire. Le film est porteur d'un certain malaise. Les scènes dans le village, la nuit, sont les plus terribles (voir le plan auprès du cadavre de la jeune fille). Une Seule chose unit ces deux hommes, la survivance. Il s'agit d'un film qui s'apparente au genre du survival et rappelle d'ailleurs beaucoup Essential Killing, brillante réussite de Jerry Skolimoski. Mais le sol sablonneux, boueux, le roc, les animaux de ce climat caniculaire, remplacent ici la neige du film le plus récent. Véritable road movie vers la mort, Deux hommes en fuite est porté par la géniale interprétation de Robert Shaw, halluciné, et de Malcom MacDowell (peu de temps avant de commencer Orange mécanique mais après If), personnage ambivalent dont on n'oublie pas la fin et sa supplication envers son camarade de fuite. Saluons la mise en scène d'une grande beauté de Joseph Losey : sens du cadre, interaction avec la nature et tous ses plans vus d'hélicoptère, magnifiques. La musique, troublante, évoque les compositions du classique moderne. Un travail d'orfèvre pour un film méconnu mais d'une rare puissance.