Entre ce quinquagénaire brutal, assassin, rustre et rural (énorme Robert Shaw) et ce jeune homme citadin, fluet, malin et vraisemblablement pervers sexuel (excellent Malcom Mac Dowell), l’antagonisme, le mépris, la franche malveillance même, mais la complicité forcée, seront pourtant leurs seuls atouts pour s’adapter à leur ahurissant calvaire.
Plus dans la métaphore que dans la narration réaliste, le film présente deux hors-la-loi démunis, les mains attachées dans le dos, a priori taulards en fuite, courant désespéramment dans la chaleur torride d’une improbable pampa poussiéreuse sud-américaine à destination d’une hypothétique frontière, et impitoyablement poursuivis par les forces légales. Traque sans répit pour nos deux antipathiques victimes pour qui palpiteront pourtant nos cœurs, entre les battues, les hélicoptères, les tirs au pigeon, la chaleur des prairies, le froid des montagnes enneigées, la dureté des pitons rocheux, les incendies lancés contre eux, les villages peureux et hostiles, la crasse, la soif, la faim, l’épuisement, l’abrutissement qui les basculeront dans la démence sauvage et désespérée, l’inhumanité requise pour triompher de cet enfer, parallèlement au paradoxal apprentissage de leur fraternité.
Ce film de 1970, un peu endommagé par de grosses ficelles bien invraisemblables, surtout envers les lourdeurs policières, reste un bon film d’aventures haletantes, d’actions et de suspense. Précurseur du thème des anti-héros et du régime policier bâtisseur de la férocité humaine, sa forme allégorique le rend brillamment intemporel. Il décrit l’amitié découlant du travail et du sort communs, il est un hymne au courage et à la ténacité, et dénonce en même temps la bestialité latente prête à s’embraser chez qui est poussé à bout quand il n’a plus rien à perdre.