A lui seul, le titre ne me disait rien qui vaille. Et il n’en fallait pas plus pour qu’un vif a priori s’installe en moi, alors que je ne connaissais ni le pitch, ni la bande-annonce. Et puis il faut dire qu’à cette époque, le cinéma français avait bien du mal à se sortir des ornières de la médiocrité. Un succès commercial plus tard, auquel se rajoutent quelques bons taux d’audience sur le petit écran, j’ai enfin tordu le cou à ce préjugé qui ne me ressemble absolument pas. Bon je dois avouer qu’avant de le regarder, j’ai jeté un œil sur le synopsis présenté sur le magazine télé, et que j’ai été séduit par la distribution, dans laquelle figure (entre autres) le regretté Jacques Villeret. Alors quel est mon avis ? Tout d’abord, sachez qu’il ne s’agit nullement d’une histoire de princesse à deux balles comme je me l’étais imaginé avant que je ne découvre le petit résumé du début. On en est même loin ! Trèèèès loin. Le spectateur se voit propulsé à flanc de montagne pour suivre un homme apparemment au bord de l’épuisement, seul dans l’immensité montagnarde, en train de descendre vers la vallée. Les plans se font tour à tour virevoltants, d’autres se font plus précis sur les pas mal assurés de cet homme plus ou moins K.O. debout. L’attention du spectateur est immédiatement accrochée, d’autant plus que la musique d’Andréa Sedlacockova aux tons andins ou himalayens accompagne cette descente aux airs de retour désespéré. Et pour cause, une fois parvenu au bout de ce périple, le spectateur comprend qu’un drame vient de se jouer. Mais quel est-il ? Comment cela s’est-il passé ? Evidemment, le spectateur a envie de savoir ! Eh bien pour le savoir, il va falloir passer sur une ellipse qui lui fait sauter cinq ans d’un seul coup d’un seul. La réponse va lui être apportée par l’intermédiaire du petit Tom, huit ans, venu passer l’année scolaire chez son grand-père au cœur des Alpes. La quête de réponses, tel est le sujet de ce film. Un bien joli sujet mis en images par Gilles Legrand à l’occasion de son long métrage, sur un scénario qu’il a co-écrit avec Philippe Vuaillat ("La jeune fille et les loups" quatre ans plus tard) et Marie-Aude Murail. En effet, c’est un bien joli film qu’a signé Gilles Legrand. Et si le succès commercial a été au rendez-vous avec son 1,2 million passé d’entrées, c’est sans aucun doute parce que le sujet a parlé à plus d’un. Cependant je considère que ce film aurait gagné en qualité si le gamin n’avait pas été décrit comme un enfant un peu neuneu sur les bords. Il a huit ans, mais raisonne et parle comme un enfant âgé seulement de quatre ans (et encore). Bon, je ne nie pas qu’il puisse s’exprimer avec certains problèmes d’élocution (par ailleurs évoqués), mais de là à en faire une psychologie d’enfant attardé, il y a tout de même un pas. D’autant plus que ce gamin est tout en paradoxes qui font tout de même un peu tâche : il fait preuve d’une grande intelligence (O__O), surtout pour aligner les conneries les unes après les autres. Car ce gamin est fait de conneries. Ça n’arrête pas ! Oh je ne dis pas que ça n’existe pas. Bien au contraire ! J’entends même les pédopsychiatres dire à propos de ces gosses turbulents que c’est dans le but d’attirer l’attention sur eux. C’est souvent vrai, pour ne pas dire presque toujours. Mais le fait est que ce gamin est insupportable. Quoiqu’il en soit, ce petit bonhomme a de la suite dans les idées, poussé par ce besoin irrépressible de réponses, et en cela il est quand même touchant, notamment par cet air ingénu qu’on retrouve souvent chez les enfants qui ne comprennent pas mais que l’espoir ne quitte pas. "Malabar Princess" se place donc comme un film réquisitoire sur le vide provoqué par la disparition d’un être cher et sur la douleur amenée par le manque. En dehors de ce petit garçon, les personnages sont très bien décrits : que ce soit le père joué par un Clovis Cornillac éblouissant dans le dilemme qui le ronge, Robert le récupérateur d’épave perpétuellement râleur interprété par un Claude Brasseur superbe dans la viscérale obsession d’un hypothétique trésor avalé par la montagne une cinquantaine d’années plus tôt, l’institutrice attentionnée et totalement impliquée interprétée par une Michèle Laroque toujours aussi agréable à regarder, et surtout le grand-père incarné par un Jacques Villeret des plus touchants. On a de beaux paysages, une très belle musique (quoiqu’on trouvera regrettable qu’elle n’ait pas une sonorité savoyarde), mais il y a aussi quelques menus défauts. La vue proposée depuis la cabine du TGV n’est absolument pas crédible, sans compter qu’on voit nettement juste après que ce n’est qu’une pâle copie de la cabine et que le personnage de Clovis Cornillac est trop jeune pour être conducteur de TGV. Ce sont des petits détails, certes mais quand ils s’accumulent… Entre le fait que deux corps sans vie soient laissés sans aucune surveillance et qu’à un moment, on voit même que les acteurs jouent devant un fond décoré des sommets alpins (une grande photo quoi)… En dehors de ça, "Malabar Princess" est rempli de bons sentiments. C’est vrai. Ça peut être agaçant pour les uns, mais comment peut-il en être autrement quand on fait appel à une réflexion sur les sentiments humains et la façon d’aborder la mort ? Outre le fait que le film dit clairement qu’on se doit de dire la vérité, il n’apporte néanmoins aucune recette en la matière, laissant à chacun d’entre nous la liberté de trouver la manière de la révéler. Mais il remplit tout de même son contrat de sensibilisation.