L'histoire simple d'une jeune fille, caissière dans un supermarché. Elle rêve d'une autre vie, de broder pour les plus grands couturiers. En attendant, dans sa chambre, elle utilise des peaux de lapins pour créer ses rêves. Jusqu'au jour où, enceinte, elle déclare à ses collègues de supermarché qu'elle a un cancer. Une trame de téléfilm du mercredi soir sur France 2 ? On pouvait le craindre. Surtout devant la tendance du cinéma français actuel. Coincé entre les sorties de grosses comédies débiles (Le carton, Pédale dure) et de films démesurés (Arsène Lupin, Un long dimanche de fiançailles), difficile de donner sa chance au premier film d'une jeune réalisatrice française. Eléonore Faucher ne possède pas les moyens des autres – sans mauvais jeu de mot – mais elle a du talent à revendre. Avec ce premier film, Caméra d'or à Cannes, elle s'affirme d'emblée comme un auteur à suivre. En filmant le destin contrarié de la superbe Lola Naymark, autre révélation du film, la réalisatrice s'attarde sur les détails, les non-dits et ce fil d'Arian sans cesse fait et défait. Les plans splendides des brodeuses, des ors et brillants de la haute couture, ces flous qui se figent sur des perles, la mécanique des machines, construisent un monde qui touche. Dans cette campagne française austère, les personnages colorés subliment la grisaille. Les lentes fugues au violon de Michael Galasso (compositeur de la bande originale d'In the mood for love) bercent le tout d'une mélancolie joyeuse et l'espoir, longtemps ignoré, pointe à la fin du film. Du cinéma intelligent, magnifiquement mis en scène et interprêté. Si le cinéma est l'art de montrer l'indicible, Eléonore Faucher l'a très bien compris et nous offre un premier film rare. Trop rare.