Le Sud, l'esclavagisme, l'amour, Clark Gable... difficile de ne pas penser à Autant en Emporte le vent lorsqu'on s'intéresse à L'esclave Libre de Raoul Walsh. C'est au cœur de la guerre de Sécession qu'il nous emmène, pour y suivre la fille d'un riche planteur du Kentucky qui va vite découvrir que sa mère était une esclave noire.
Si L'esclave Libre ne dégage pas autant d'émotion (mais un minimum quand même) et de puissance que le chef-d'oeuvre de Fleming, il n'en reste pas moins intéressant à plusieurs points de vus. Walsh s'intéresse surtout à la condition de son héroïne qui va se retrouver rattrapée par son sang et passer du milieu aisé de filles de riche propriétaire terrien à esclave vendu avant de rencontrer Clark Gable, le tout avec un fort contexte de racisme (notamment ordinaire) et de guerre de Sécession. Pourtant, ce n'est pas sur le point de vue historique que Walsh s'intéresse mais surtout sur ses personnages, ainsi que les drames et la romance qu'il peut en tirer.
L'histoire en elle-même n'est guère surprenante, et a même tendance à faire dans l'excès mais ça marche, Raoul Walsh signe une mise en scène de qualité, sachant bien développer ses personnages, les rendre intéressants et mettre une place une ambiance prenante où l'on se sent immergé dans le sud des États-Unis. Il exploite à merveille ce cadre historique, bien aidée par une reconstitution et une photographie remarquable (le travail technique, dans l'ensemble, est excellent), ce qui permet de s'y retrouver plonger et de pleinement ressentir le danger et la complexité des enjeux et personnages. Pourtant il avait mis un peu de temps à faire démarrer son histoire où le début ne provoque guère d'intérêt et où il faut attendre la mort du père de l'héroïne pour vraiment voir L'esclave Libre prendre son envol.
Walsh évite toute lourdeur et manichéisme dans le traitement de son trio principal, où personne n'est vraiment parfait et chacun à des enjeux et ambitions bien particuliers, tant Sidney Poitier sur son dilemme entre sa communauté et le respect ainsi que ce qu'il doit à Gable, que ce dernier, tiraillé par son passé. Walsh met en avant des personnages qui devront d'abord de battre contre eux-même pour enfin pouvoir avancer, le tout avec comme fond une série de tableaux passionnante, tant dans le Kentucky que la Nouvelle Orléans où on est pleinement immergé de cette ambiance, que ce soit via les tensions sociales, la guerre ou tout simplement la chaleur. Devant la caméra, on peut pardonner à la belle Yvonne De Carlo qu'elle ne soit aucunement métisse tant elle est convaincante, tout comme Clark Gable mais pour lui c'est une habitude, surtout dans ce genre de rôle qu'il connaît, et maitrise, à merveille.
Nous emmenant au coeur de la guerre de Sécession, Raoul Walsh met en scène de passionnants portraits humains sur fonds de tableaux qui le sont tout autant et dont il en exploite à merveille le cadre, le tout emmené par d'excellents comédiens et un travail technique remarquable.