Argento est un réalisateur pour le moins inégal. Capable du meilleur il est aussi capable du pire. Opera se trouve dans le milieu de la filmographie du réalisateur en terme de qualité, s’avérant ni décevant, ni très enthousiasmant, souffrant de maladresses évidentes, et témoignant parfois de moments de génie manifestes.
Le métrage est indéniablement très réussi sur la forme. Porté par des décors de grande qualité, avec cette atmosphère d’opéra parfaitement retranscrite, Opera est aussi emmené par une mise en scène opulente avec des fulgurances d’une grande originalité. Même si le maniérisme d’Argento peut parfois confiner au ridicule, ici ça passe fort bien avec de vraies audaces et une réelle volonté d’originalité. On sent qu’on est dans un Argento et pas chez quelqu’un d’autre, et cette volonté de créer de la singularité, de se démarquer fait d’Opera, rien que pour cela, une curiosité de premier ordre. La qualité formelle du film se retrouve aussi dans une bande son variée et soignée, bien qu’inférieure aux toutes meilleures partitions qu’avaient notamment pu signer les Goblins.
Formellement très réussi, le parent pauvre du film c’est à l’évidence son scénario. Pas vraiment riche en suspens, si l’on se retrouve avec un métrage rythmé et dynamique, malheureusement pas autant de surprise qu’on aurait pu l’espérer, des dialogues assez laborieux, quelques invraisemblances notables et une fin décevante. Opera possède des moments de fulgurance réjouissant (les scènes de meurtre sont souvent très sympathiques par exemple), mais le réalisateur se perd un peu, semblant même parfois vouloir s’auto-citer dans un exercice qu’il ne réussit pas franchement ! Au contraire même, drôle d’idée de faire une fin renvoyant directement à Phenomena, ces dernières dix minutes souffrent scandaleusement de la comparaison !
Le casting est plutôt moyen. Cristina Marsillach se débrouille mais n’est pas exceptionnelle. Elle a un petit côté Jessica Harper d’ailleurs, mais s’avère plus tiède. Face à elle une Daria Nicolodi très remontée mais qui apparait peu, un Ian Charleson solide mais pas très bien utilisé, tandis qu’Urbano Barberini fait le boulot de façon très honorable. Dans l’ensemble on peut regretter qu’un acteur ne se démarque pas vraiment pour porter tout le film, si les prestations sont pros et globalement appréciables, les interprètes n’ont pas un charisme fou et ça patine parfois un peu.
Néanmoins ne boudons pas notre plaisir, Opera est un Argento comme on les aime, c’est-à-dire visuellement très réussi, et se laissant donc apprécier par son atmosphère et son ambiance comme la majorité des films du réalisateur. Pax exceptionnel, mais ça reste un divertissement assez propre, mais avec un potentiel un peu gâché. 3.