Régulièrement comparé au "Cuirassé Potemkine", en raison d'une base similaire, les ambitions thématiques et formelles de Dzigan sont pourtant complètement différentes. Là où Eisenstein articulait son long-métrage autour de l'urgence de la situation, Dzigan lui cherche moins à traiter la guerre elle-même, que ce que l'on abandonne pour cette dernière.
Cette intention, celle d'une construction affective et non révolutionnaire, permet à " Les Marins de Kronstadt" de développer des choix de mise en scène et d'écriture qui en font une œuvre, originale dans le tout-venant du film de guerre, mais surtout, touchante. Ainsi, si le combat est filmé comme une action collective, par de judicieux choix de panoramiques et de travelling latéraux, l'élément au centre de la mise en scène reste l'affect. Dzigan pense donc son cadre pour accueillir le combat, mais aussi la raison de ce dit combat.
Cette simple idée donne lieu à certains instants à la fois épiques et déchirants, à l'image de cette charge guerrière au sein de laquelle on retrouve des enfants, ou encore les interventions de la mère de Vasili. Une première fois lors du départ des marins, où cohabitent l'euphorie des combattants et la tristesse des laissé-pour-compte, puis au retour de Artyom, où la fougue vengeresse laisse place à la compassion de la mère endeuillée.
Toutefois, si cette force formelle est utilisée avec beaucoup de justesse, l'écriture elle, ne permet pas de pleinement s'impliquer dans le récit. Le groupe de personnages parvient facilement à être attachant, notamment grâce aux liens qui les unie entre eux, mais aussi aux civiles, mais c'est bien la construction de l'histoire qui pose problème. Ne sachant pas rythmer correctement son action, de grands passages de vide se font ressentir et l'affrontement binaire qui oppose rouge et blanc peine à captiver. Si le manichéisme est évité, quelques instants manquent de subtilité - la scène de noyade notamment - et empêchent de pleinement s'impliquer.
"Les Marins de Kronstadt" brille par sa vision émotionnelle de la guerre, mais est plus maladroit dans sa construction globale. Il ne parvient pas à concrétiser la densité de la forme au sein d'une écriture satisfaisante. Les idées de cinéma sont là, et sont passionnantes, mais au service d'un divertissement, efficace et bien mis en scène, trop limité pour pleinement emporter le spectateur.