Eros, ou un projet de trois grands maîtres inégal. Premier projet, film européen, d'Antonioni : un moyen-métrage qui s'inspire fortement de la peinture plus que du cinéma en lui-même. Ainsi, même si le réalisateur est à moitié paralysé et muet, son esprit reste vif et il met en scène The Dangerous Thread of Things avec beaucoup d'élégance visuelle, une esthétique qu'il portera jusque dans le choix de ses acteurs, des idéaux physiques européens évidents. Hormis cela, un rythme pas fameux et un éclatement d'exposition/exhibition à recoller dans le bon sens gênent la vision du film. Equilibrium de Soderbergh, un chouette exercice de style avec pour principe un huis-clos, deux acteurs, des non-dits (même si on se doute de ce que regarde le psy avec ses jumelles). Seulement voilà, le thème de l'érotisme, but du film, n'est qu'à peine abordé, par quelques "saynètes" et cette suggestion. On retiendra donc cet opus comme un sketch, une façon pour le metteur en scène de s'exercer au système d'écriture et de gestion de son rythme dans les difficultés que cela impose, sans obtenir un résultat mémorable. Le meilleur pour la fin : The Hand de Wong Kar-waï. Ce réalisateur se distingue facilement des deux autres par son esthétique si touchante qu'il joue avec plus de deux sens (outre le visuel et l'ouïe, il transmet les sensations d'odorat, de goût et surtout de touché), exploit que peu parviennent à accomplir. On retrouve, avec le réalisateur, tout le plaisir charnel qu'il parvient à capturer, en jouant avec l'élégance des deux acteurs, les gestes, les hésitations qu'ils ont (comme dans 2046, qu'il était en train de tourner) : bref, on se surprend à lâcher une larme avec le fétichisme et la difficulté de cette relation entre Chang Chen, redoutable de charisme, faisant compétition à un Tony Leung, et Gong Li, magnifique, désirable mais surtout grande actrice, qui entre plus facilement dans ses rôles qu'elle n'en sort. On retiendra donc Eros pour The Hand, véritable chef-d'oeuvre.