Renoir qualifie le film, ignoré par le public et honni par la presse à sa sortie, de fantaisie dramatique, et annonce un divertissement qui se déroule en 1939 en niant toute étude de moeurs et importance de l'imminence de WW2. Ainsi avant même que débute le film, les jeux de dissimulation et mensonge ont commencé. Finalité des années 30 dans lesquelles Renoir aura étudié impitoyablement la bourgeoisie française de l'époque, La règle du jeu marque un tournant car visiblement, sans changer d'opinion, Renoir s'attache vraiment à ses bourgeois autant qu'aux domestiques, pas épargnés par la satyre. La mise en abîme évoquée par le titre est riche de signification. Dans cette maison, siège de toiles amoureuses infiniment complexes mais totalement découplées haute société-domestiques malgré leurs nombreuses interactions, le jeu principal proposé est une partie de chasse avec ses codes, mais bien sûr ce sont les jeux sentimentaux qui concentrent toute l'attention, avec ses règles absurdes, qui vont réduire la passion de Christine à néant (le mensonge de son mari, les règles d'honneur de Jurieu, le complexe d'infériorité d'Octave). Les règles sont différentes selon la classe sociale, mais si Renoir moque l'antispontanéité bourgeoise, la simplicité des domestiques n'est pas idéalisée. A travers ces jeux de l'amour, ce sont les règles sociales qu'expose Renoir, et pour cela il joue avec sa mise en scène, fluidité merveilleuse de la caméra, plans multiples dans la même image, communication permanente par les portes... Pas un seul plan ne comporte une seule scène, Renoir revendiquant par là le théâtre, avec tous ces miroirs au début du film. On n'en parle jamais mais l'ombre des nazis pèse tout le film, en contraste avec la légèreté et l'irresponsabilité des personnages, même dans le drame. Mais peu importe sa richesse cinématographique, La règle du jeu est avant tout une comédie hilarante et divertissante, sorte de croisement improbable et réjouissant entre Lubitsch et Mizoguchi