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Un visiteur
4,0
Publiée le 10 mars 2012
Une fois n'est pas coutume, l'action de ce premier film de Mizoguchi en couleurs (et quelles couleurs !) se situe en Chine, au VIIIème siècle, sous l'empereur Xuanzong, plus artiste que véritable chef d'Etat. Si le film prend de grandes libertés avec l'Histoire, il n'en garde pas moins les éléments de base, parfaits pour une tragédie digne de ce nom : un amour impossible, le pouvoir, la guerre. De ce matériau ultra-classique rabâché depuis la nuit des temps, Mizoguchi en tire un film magnifique qui vous en apprend plus sur le cinéma que tout ce que vous pouvez voir aujourd'hui. Il est toujours fascinant de contempler le déplacement des personnages dans le cadre dans un film de Mizoguchi : on pourrait presque comprendre toute l'histoire sans sous-titres rien qu'en voyant un personnage dominé par un autre avant de reprendre le dessus ou bien encore deux personnages séparés par un obstacle ou un grand vide. Dans l'absolu, tout cinéaste devrait être capable de raconter une histoire uniquement par ses images : mais c'est un art, et Mizoguchi est probablement un des plus rigoureux du 7ème.
C’est le premier film en couleurs (et il n’y en aura je crois, qu’un autre) de Mizoguchi, au terme d’une très longue et riche carrière. J’ai l’impression que cette nouvelle préoccupation, l’utilisation de la couleur dans les décors, dans son esthétique et son symbolisme, l’a quelque peu détourné de ses préoccupations « habituelles ». Certes on retrouve dans le film, qui se déroule cette fois en Chine, beaucoup de ses thèmes de prédilection, les luttes de pouvoir, la cupidité, la condition féminine et l’importance de l’amour. On retrouve aussi sa pudeur et son tact dans la dénonciation de la violence, dont les manifestations les plus dures sont laissées hors champ. Ce qui donne de très belles scènes, comme celle de l’exécution. Mais le scénario est simple, voire simpliste, et la construction du film et sa mise en scène, avec un excès de théâtralité, n’ont pas la fluidité qui est la marque du maître. Au final un film en net retrait de ses chefs d’œuvre précédents, qui n’atteint pas leur esthétique poétique et leur puissance émotionnelle.
C ‘est magnifique. Un amour fou par delà la mort, les jeux du pouvoir et de la séduction, un sens extraordinaire du cérémonial et de l’ellipse, et une photographie couleur splendide.
C’est l’ultime plan qui révèle tout l’arcane de «Yôkihi» (Japon, 1955) de Kenji Mizoguchi. Dans un décor de débris, vestiges du grand Empire chinois, retentissent le dialogue et les rires d’outre-tombe de deux amants qui, eux-seuls, survivront à la marche du temps. Bien avant cette heureuse révélation, c’est un long couloir de colonnes sur lequel s’entame le film. Au bout, un vieillard, l’ancien Empereur de Chine Huan-Tsung, contemple l’horizon du haut de sa fenêtre. Sommé à quitter l’endroit, il y répugne pour mieux se plonger une dernière fois dans le souvenir de sa seconde épouse, Yang Kwei-Fei. Dès lors émerge le souvenir, flash-back introduit par le travelling sur un voile léger qui nous emporte au-delà du temps. Blessé par le deuil de sa femme, le même Empereur Huan-Tsung se voit sollicité par de nouvelles prétendantes. Or sa musique seule peut apaiser ses maux. En parallèle, Mizoguchi développe l’histoire de Yang Kwei-Fei, cousine cuisinière de la famille des Yang. Sa beauté décelée, elle deviendra l’instrument de sa famille pour accéder au pouvoir. «Je serais toujours votre jouet» constate-t-elle. Au-delà de l’usage opportuniste dont est victime Yang Kwei-Fei, elle réussit de son seul chef à séduire l’Empereur. Cette façon dont le personnage, initialement outil de pouvoir, réussit à fleurir le cœur d’un homme dénote du féminisme poétique qui abonde le cinéma de Mizoguchi. La musique du générique, une douce mélodie, apparaît fréquemment et limbe le film de mélancolie. Quant au mouvement de caméra, ce ne sont jamais des fadaises stériles qui complaisent un besoin de ne pas stagner, ils incarnent toujours la présence perpétuel du cinéma qui enveloppe ici l’intrigue comme une estampe baigne les paysages. De ce bref portrait du Féminin, c’est la scène de mise à mort de Yang Kwei-Fei qui captive. Par l’unique glissé d’une robe dans le coin d’un plan, c’est le sublime qui prend forme, c’est les femmes toutes entières qui se sacrifient pour leur souvenir glorieux.
Si les commentaires sur l'histoire peuvent remplir des pages ,sur le plan du cinéma,un seul mot:perfection.C'est d'autant plus vrai que le scénario n'est guère passionnant,L'auteur s'en débarrasse d'ailleurs en disant tout dès les premières quinze minutes.L'art du cinéaste, sa maitrise des couleurs (malgré un procédé médiocre) son accompagnement musical et sa direction d'acteurs sont ici sans failles.Le coté émotionnel de ses autres films qui nous empêche parfois d'admirer sa façon de faire n'existe pas ici.Tout est peinture et poésie.La promenade du couple, incognito dans les rues de la ville, est un exemple parfait de mise en scène si maitrisée qu'on ne la remarque plus.La beauté est telle que les yeux sont nettoyés par les larmes chaque fois que l'impératrice apparait en plans rapprochés.Même son exécution est l'occasion d'un grand moment de douceur cinématographique.Ce film qui n'est pas considéré comme le meilleur de son auteur est pour moi visuellement le plus abouti.
Un vrai choc visuel en raison de la beauté des costumes et des décors, sans oublier la mise en scène d’une grande fluidité avec de longs plans séquences où la caméra se déplace lentement et suit les acteurs (la 1ère scène est une leçon de cinéma). Il suffit d’en accepter le côté théâtral même s’il y a quelques scènes d’extérieurs. Cela se passe en Chine au VIIIe siècle où l’Empereur est inconsolable de la mort de son épouse. Il avait été séduit par une simple servante (très belle) et introduite par l’un de ses généraux ambitieux. Outre le beau livre d’images, c’est aussi une réflexion (toujours d’actualité !) sur le pouvoir, l’ambition et la servilité. C’est le 1er film en couleurs du réalisateur (sur deux, sur un total de 94 dont 62 sont perdus !) à 57 ans, 1 an avant sa mort, d’une leucémie).
J'avoue trouver un grand charme au noir et blanc. Mais le choix des couleurs sobres et harmonieuses ne déçoit pas. L'impératrice Yang Kwei Fei est un drame historique, mais la réalité est transformée selon les désirs de Mizoguchi pour cadrer avec ses thèmes habituels. On retrouve donc la femme jouet de son entourage, mais avec le courage de chercher à échapper à sa condition. Alors que tout l'entourage de l'empereur cherche une gratification pour ses actes, Hsuan Tung est séduit par la simplicité qui émane de la petite Yang. Ils vivront une véritable idylle, faite d'instants dérobés au devoir, cachés de leur entourage. Le portrait de l'empereur est celui d'un homme faible, qui se réfugie dans l'art et la rêverie pour échapper à un quotidien qui lui déplaît, laissant si possible le soin à ses ministres de gérer les affaires de l'Etat. Mais si le couple impérial, dès les premières minutes du film, est promis à un destin tragique, par-delà la mort ils auront une belle revanche, dans une magnifique scène finale révélant la futilité des visées de leur entourage. Car si la dynastie Tang, secouée par la rébellion du général, amorce ici son déclin, l'amour, lui, est éternel.
Ce premier film en couleur de Mizoguchi est, comment on peut s'y attendre, un régal visuel. J'ai particulièrement apprécié la manière dont y parle ici des sentiments, en particulier de leur naissance (j'aime moins la dernière scène, qui est plus à l'image de ses autres films). Mais le film aborde aussi avec justesse d'autres sujets (le pouvoir, la violence collective). Le point faible du film est le fait que les personnages chinois soient joués en japonais par des japonais, j'ai vraiment eu du mal à m'y faire.
Un petit avis: j'ai voulu aller voir un film du cycle mais les copies sont en numérique (sauf pr Les Contes). Je suis allé voir la qualité, qui à mon sens est exécrable, j'ai donc fait le choix de ne pas y aller. Le rapport dans ce cas entre numérique et projection est mauvais, ce qui n'est pas tjs le cas. Présentement, j'estime qu'il vaut mieux voir un dvd sur un écran domestique qu'une telle projection (surtout à ce prix-là)... Dommage.
Parfois difficile à suivre, L’impératrice Yang Kwai Fei n’en est pas moins fascinant grâce à la mise en scène et à l’interprétation des acteurs. Comme souvent dans les films de Mizoguchi, la noirceur l’emporte sur les beaux sentiments et la fin est souvent dramatique.