La scène du crime ? Une chambre fermée... de l'intérieur ! La belle Mlle Stangerson a été victime d'une terrible agression. Pourtant celle-ci a eu lieu dans sa chambre, dont la porte était fermée de l'intérieur et les volets parfaitement clos. Un examen minutieux de la pièce n'a révélé aucune trappe, ni aucun passage secret et les maigres empreintes relevées au moment de l'enquête risquent de faire condamner un innocent... Le Mystère de la Chambre Jaune paraît d'abord sous la forme d'un feuilleton en 1907. L'intensité de l'intrigue et l'épaisseur du mystère ont fait de ce roman policier un livre mythique en même temps qu'un classique du genre. Annonciateur de Tintin, le personnage de Rouletabille sera encore le héros de deux autres romans, Le Parfum de la dame en noir et Le Fantôme de l'opéra.
Alors qu'il n'avait écrit jusqu'à présent que des scénarios originaux, Bruno Podalydès brûlait d'envie d'adapter le roman de Gaston Leroux depuis 10 ans, enthousiasmé notamment par la qualité de l'intrigue, qui évoque Le Double crime de la rue Morgue d'Edgar Allan Poe et par l'atmosphère proche des bandes dessinées de Tintin. La perspective de réunir à nouveau le couple que formaient Denis Podalydès et Jean-Noël Brouté dans Dieu seul me voit (Versailles-chantiers), a remis ce désir au goût du jour avec pour objectif d'obtenir la même osmose entre " le sérieux du mystère et la fantaisie des personnages " que dans le livre, afin de " pouvoir glisser du burlesque au coeur des sentiments ".
Fidèle à l'esprit du roman de Gaston Leroux, Bruno Podalydès a pris quelques libertés en adaptant ce classique du polar. Alors que le roman se situe dans trois espaces différents, le film joue ainsi sur l'unité de lieu, en l'occurrence le château, afin de rester dans le cadre d'un huis-clos. L'intrigue se déroule par ailleurs dans les années 30, alors que l'action du film se situait en 1892. Un masque de soudeur remplace les postiches de l'assassin, certains personnages ont disparu, d'autres ont été modifiés et surtout, l'âge des personnages a changé, la jeunesse de Rouletabille étant selon le cinéaste "plus une jeunesse d'esprit que de corps".
Pour adapter l'univers tout en mystification de Gaston Leroux en y mêlant ses propres obsessions et fascinations pour les comportements humains surréalistes, Bruno Podalydès a pu s'appuyer sur un casting idéal où les complices habituels du réalisateur, Denis Podalydès et Jean-Noël Brouté, côtoient Pierre Arditi dans le rôle de l' inspecteur Larsan, Sabine Azéma dans celui de Mathilde Stangerson, Olivier Gourmet en Robert Darsac, Michael Lonsdale dans la peau du professeur Stangerson et Claude Rich dans celui du juge de Marquet. A noter dans le rôle du Père Jacques la présence du chanteur Julos Beaucarne, dont le fils Christophe assure la direction de la photographie pour le film.
Nouveaux venus dans l'univers de Bruno Podalydès , Sabine Azéma et Pierre Arditi n'en sont cependant pas à leur première collaboration. Le cinéma les a ainsi réunis pas moins de sept fois, dont six sous la direction d'Alain Resnais, notamment dans Mélo, Smoking / No Smoking ou On connaît la chanson. On les retrouvera d'ailleurs encore en 2003, une nouvelle fois sous sa direction, dans Pas sur la bouche, aux côtés d' Audrey Tautou . A travers ce couple fameux, Bruno Podalydès rend explicitement hommage au réalisateur de La Vie est un roman, passé maître dans l'art de l'adaptation.
Outre Alain Resnais, et évidemment Gaston Leroux, qu'il adapte ici pour l'écran, Bruno Podalydès multiplie clins d'oeil et références. Rouletabille a ainsi les pantalons courts de Tintin, le château évoque Moulinsart et les policiers ont des allures proches des Dupon(d)t. Marqué par la peinture de Magritte et Picabia, ainsi que par les affiches de magiciens et les couvertures de roman populaire, le film renvoie également dans son aspect plus sombre aux univers de Louis Feuillade et bien sûr de Alfred Hitchcock.
Le roman de Gaston Leroux qui compte parmi les chefs-d'oeuvre de la littérature policière n'en est pas à sa première version pour le grand écran. Maurice Tourneur signe une première adaptation, datée de 1912 et donc tournée à l'époque du muet. En 1930, Marcel L'Herbier s'empare à son tour du roman policier et livre au tout début du parlant une version de référence qui fera l'objet d'un remake tourné en 1948 par Henri Aisner, avec notamment Serge Reggiani.
C'est grâce au film Versailles rive gauche réalisé par son frère Bruno en 1991 que Denis Podalydès rencontre son premier succès. C'est aussi le début d'une fructueuse association placé sous le signe de la comédie qui se poursuit avec Dieu seul me voit (Versailles-chantiers) en 1997 et Liberté-Oléron en 2001. Le Mystère de la chambre jaune marque ainsi leur cinquième collaboration. Tandis que Denis interprète le rôle de Rouletabille, Bruno Podalydès passe lui aussi, le temps de quelques scènes devant la caméra, en campant le personnage du médecin et en officiant également comme narrateur.
La bande originale du Mystère de la chambre jaune est signée Philippe Sarde. Frère du producteur Alain Sarde , il est révélé par la partition qu'il écrit pour Les Choses de la vie, de Claude Sautet, dont il devient par la suite le compositeur attitré. Outre Sautet, Philippe Sarde a notamment travaillé avec Bertrand Tavernier, Georges Lautner , Yves Boisset, Jean-Jacques Annaud, ou Alain Corneau
Visiblement enthousiasmé par ce premier travail d'adaptation et par le charme très spécifique du roman de Gaston Leroux, Bruno Podalydès a d'ores et déjà annoncé son intention d'en adapter la suite, dont il a même écrit la première version de scénario, avant la sortie du premier volet. Son prochain film devrait donc mettre une nouvelle fois en scène les aventures de Rouletabille et s'intituler logiquement Le Parfum de la dame en noir.