Premier film de Mel Brooks (et premier de ses films que j'ai vu enfant), "Les Producteurs" est un modèle de comédie burlesque.
Dès le générique, entrecoupé des minauderies du producteur Max avec une vieille dame licencieuse, on comprend que ce film va jouer la carte de l'humour à fond, sans s'embarrasser de subtilité ni de limites (mais imposer des limites à l'humour, quel manque de savoir rire).
"Les producteurs" a plusieurs qualités remarquables, à commencer par son scénario en or : en faillite après avoir enchaîné les fours, le producteur de comédies musicales Max Bialystock (interprété par Zero Mostel) est obligé de jouer les gigolos auprès de vieilles dévergondées. Jusqu'au jour où un comptable, Leo Bloom (Gene Wilder), lui révèle qu'il pourrait gagner beaucoup d'argent à produire un flop qui ne resterait qu'un seul jour à l'affiche et qu'il n'aurait pas à rembourser aux assureurs...
Ni une ni deux, le roublard Max entraîne Bloom (après une phase de séduction digne d'une romcom!) dans ce qu'il pense être l'arnaque du siècle, inratable selon lui.
Facile, il n'y a qu'à choisir la pire histoire de toutes ("Un printemps pour Hitler", une fuhr..ieuse apologie du nazisme), faire appel au pire metteur en scène et aux pires acteurs, et c'est la cata musicale assurée.
Bien sûr, c'était sans compter le 2nd degré du public, qui contre toute attente va apprécier leur spectacle...
Tout comme le public de Mel Brooks, qui doté d'un solide 2nd degré, peut s'esclaffer pendant 1h30!
La deuxième grande qualité des Producteurs est son casting. Le duo Mostel/Wilder réalise un abattage exceptionnel et leur plaisir à jouer ces rôles outranciers se ressent à l'écran. Mais le reste de la distribution excelle également, et il faut tout le talent et l'engagement de ces comédiens pour donner sa coloration burlesque au film et en faire une totale réussite.
Troisième bon point, nous montrer le spectacle que Max et Leo ont produit, avec ses airs entraînants, ses paroles provocantes et ses chorégraphies hilarantes, difficile de ne pas susciter notre engouement (qui trouvera finalement un écho chez le public de ce Printemps pour Hitler).
Je mets d'ailleurs au défi quiconque a vu ce film de ne pas fredonner "Springtime for Hitler and Germany" pendant la semaine qui suit (évitez toutefois de le faire en public...!).
L'autre bonne idée de cette séquence est de faire sortir les producteurs du théâtre dès le début de leur pièce, afin de montrer le décalage entre ce qu'ils imaginent (depuis le bar où ils fêtent leur échec attendu) et ce qu'il se passe en réalité dans la salle qu'ils ont quittée trop tôt. Comme pour nous rappeler qu'au théâtre, tout peut arriver jusqu'au baisser de rideau final.
Ce film, qui ressemble beaucoup à du théâtre filmé, est d'ailleurs un hommage au monde du spectacle et à tous ceux qui y consacrent leur vie. Parce qu'après tout, même si Max est un escroc de première, à qui fait-il du mal
comme le demande très justement Leo au tribunal
?
"The show must go on", semble nous proclamer Mel Brooks avec le dernier pied de nez de Max et Leo dans une scène finale des plus réjouissantes.
Pour conclure, "Les Producteurs" est un film jouissif et enthousiasmant qui atteint sans peine son noble but : nous divertir.