A l’image d’un Sam Fuller, Aldrich était un contrebandier et un franc tireur d’Hollywood, il s’éloigne du système avec ce film et devient son propre producteur. Jouissant ainsi d’une liberté totale, dans la forme comme dans le ton de ses films, ce qui était cependant déjà le cas auparavant.
The killing of Sister George est profondément ancré dans l’univers d’Aldrich, œuvre d’une parfaite cohérence. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que ce film sort la même année que The Legend of Lylah Clare, en 68. Les deux films se répondent, deux visions cyniques, pessimistes, deux critiques acerbes, l’un d’Hollywood, l’autre de la télévision.
Ici le film se passe à Londres, en plein Swinging London, et met en scène June, actrice vieillissante, incarnant depuis des années une joyeuse nurse de campagne, sister George, dans un feuilleton à l’eau de rose, mais se transformant en vieille alcoolique grossière et alcoolique au quotidien, quotidien qu’elle partage avec sa compagne Childie.
Avec la vulgarité, l’outrance, le cynisme, qu’on lui connaît, Aldrich construit un huis clos étouffant, dès les premiers plans du générique George déambule dans des ruelles de plus en plus étroites. Il enferme son héroïne, monstre pathétique tout autant horrible que profondément humaine, dans un univers d’hypocrisie, d’artifice et de faux semblant. Celle-ci reproduisant à l’échelle de son appartement un petit théâtre de cruauté et d’humiliation dans la relation et le rapport de force et de domination qu’elle entretient avec sa compagne –maitresse-enfant-esclave, prenant du plaisir à la rabaisser comme dans cette scène effrayante où elle l’oblige à manger le bout de son cigare. On passera sur la métaphore masculine de la scène.
Cet univers grossier de femmes, d’homosexualité, de pantins pathétiques, de monstres abimés, n’est pas sans rappeler l’univers de Fassbinder, ce dernier jouant cependant sur un registre un peu plus fin et complexe.
Ainsi le film est une longue chute, d’une actrice alors à son apogée et d’une femme. C’est tout autant une exécution, professionnelle et sentimentale, qu’un suicide. Meurtre et éviction de la série télévisée autant pour son âge avancé, pour le détachement et le désintérêt progressif du public pour son personnage, il faut passer à autre chose, que pour ses frasques à la ville qui gênent, notamment l’ordre religieux. Suicide également dans sa relation avec Childie, celle-ci la délaisse pour se réfugier dans une autre relation de domination auprès d’une bourgeoise de la chaine télévisée.
Relation qui débutera par une scène de saphisme filmée comme un viol, la chair est triste.
George est un nouveau portrait féminin qui rejoint sa galerie de freeks, de marginaux, rebutants mais terriblement humains.