Johnnie To a un don pour les introductions , et ce n'est pas celle de "Fulltime Killer" qui va remettre cela en cause : deux scènes de meurtres aux styles complètement différents, froid et calculé dans le cas de O, exubérant et jouissif pour Tok, font immédiatement comprendre quels enjeux habitent les protagonistes et leurs caractères opposés.
Cependant, le minimalisme qui caractérise habituellement le cinéma de To - qui aurait pu se traduire ici par un simple affrontement entre les deux tueurs à gages - laisse place à des intentions plus ambitieuses. Le cinéaste déploie ainsi de nombreux axes narratifs et thématiques : triangle amoureux, hommages de cinéphile, thriller policier etc.
Malheureusement, rien n'a le temps de respirer et même, au contraire, étouffe, à l'image des références précises, comme Melville et "Point Break", mais aussi plus ironiques, comme lorsque que Tok énonce des codes du cinéma d'action. Si tout cela permet à To de payer son tribut envers ceux qui l'ont inspirés, et de poser un regard sur le genre au sein duquel il évolue, on a vite fait d'être lassé par cette suite indigeste de clins d'œil.
De plus, les multiples sous-intrigues, pour la plupart inintéressantes (les "origines" de Tok), ne font que ralentir une narration qui semble constamment vouloir prendre de la vitesse, mais se heurte à une complexité narrative que To peine à coupler à l'action. Si cela est parfois réussi, comme la fusillade avec la police, impressionnante mais surtout révélatrice des liens et des intentions des personnages, elle reste globalement un handicap, aussi bien pour l'implication émotionnelle que pour la lisibilité et l'impact du récit.
Bien sûr la mise en scène reste virtuose, To n'a plus rien à prouver, et c'est bien pour cela que le long-métrage se suit sans déplaisir. L'énergie, de la réalisation et de Andy Lau, est communicative et certaines scènes restent absolument jouissives, jusqu'au final, se jouant habilement du ridicule pour en faire une force. Mais au delà de ces éléments, c'est bien cette conclusion qui offre enfin une dimension thématique solide à "Fulltime Killer", celle de l'importance des choix d'un récit, et comment son auteur peut les manipuler. Dommage que cela arrive aussi tard, dans un film qui ne manque pourtant pas d'ambitions, juste de la maitrise nécessaire pour les faire cohabiter.