La filmographie de John Carpenter est jonchée de petits bijoux tels que "Assaut", "The Fog" ou encore "The Thing". Et bon nombre de critiques aiment à citer "Invasion Los Angeles" ("They live" en VO) comme une de ses œuvres majeures, en raison de son propos anti-consumériste, voire franchement anarchiste. Cette bienveillance et, plus généralement, l’originalité "wtf" du pitch (une invasion alien invisible, dévoilée par le biais de lunettes de soleil dévoilant leur vraie nature !) m’ont, donc, convaincu de découvrir le film. Et, ça valait le coup car il y a bien des choses à dire sur… ce truc parfaitement improbable et totalement nanardesque !!! Je ne suis, pourtant, pas du genre à cataloguer un film comme "série Z daubesque" au seul motif que son pitch est improbable (au contraire). Le problème, ici, c’est que Carpenter (qui a, pourtant, prouvé qu’il était tout sauf manchot comme réalisateur), rate à peu près tout ce qu’il est possible de rater ! Le casting, tout d’abord, qui est un sommet de ringardise, du héros Rody Pipper (ancien catcheur, ce qui n’était déjà pas forcément un atout sur le papier) qui se ridiculise encore plus par son jeu que par sa coupe mulet à l’incompréhensible premier rôle féminin (Meg Foster, visiblement camée dans chacune de ses rares apparitions !), en passant par la caricature du pote black costaud à défaut d’être malin (pauvre Keith David, peu aidé)… tout est à jeter ! Les aliens, sous leur forme zombiesque (aspect cadavérique, yeux exorbités, dentition apparente...) sont bien plus expressifs que le casting "humain", c’est dire l’étendue du désastre ! Chacune des apparitions des envahisseurs sont, d’ailleurs, autant de bouffées d’oxygène dans un récit qui manque considérablement de souffle, de rythme et, plus généralement, de structure. L’introduction, tout d’abord, est beaucoup trop longue, même si elle présente, pour (seul !) intérêt, de présenter un décor un peu original (un bidonville de Los Angeles où s’entasse des travailleurs précaires, soit le tiers-monde aux USA) et d’amorcer une critique sociale plutôt pertinente à défaut d’exciter l’amateur de SF, alléché par le pitch. Lorsque le héros George découvre (poussivement) les lunettes "magiques", on se dit que le film va enfin décoller… Mais, malheureusement, c’est déjà le début de la fin puisque le scénario cumule, alors, tous les poncifs les plus lourdingues du cinéma
(le héros solitaire seul contre tous, les scènes d’évasion improbables, la parano amenant à se méfier de tout le monde, la bonne vieille conspiration à échelle mondiale…)
, aggravés par des dialogues affligeants (à tel point que je me suis demandé si le second degré de la chose ne m’avait pas échappé) et une musique bas de gamme (une rareté chez Carpenter !). On a même droit à quelques sommets de grand n’importe quoi qui repousse les limites de l’acceptable, tels que l’invraisemblable scène de bastion entre le héros et son pote qui parait durer 30 minutes (mention spéciale à la chorégraphie du combat et aux punchlines échangées) ou encore, le dernier quart du film
(avec réunion au sommet du gratin alien, discours du traître qui raconte tout le plan au lieu de tuer les intrus, baroud d'honneur tellement 80's, trahison tellement prévisible, sacrifice encore plus prévisible, morts risibles etc...)
qui confirme, s’il en était encore besoin, que le scénario est une vaste fumisterie qui ne s’encombre pas du moindre souci de cohérence. Le seul moment où le film fait illusion, c’est lorsque ce lourdaud de Georges découvre le pouvoir des lunettes et, ainsi, le monde tel qu’il est devenu.
Le noir et blanc, le décor épuré, la description d’un système autoritaire et consumériste fondé sur la totale soumission et l’ignorance ou encore les gueules invraisemblables des aliens laissaient vraiment entrevoir de belles choses (à réfléchir pour un éventuel remake…)
. Mais, même ces séquences-là sont loin d’être parfaites puisque le rythme que Carpenter leur confère est beaucoup trop lent et leur caractère répétitif appauvrit leur portée. Enfin, le propos anarchiste du film est un monument de manichéisme (ou de maladresse, c’est à voir) puisqu’on peine à comprendre les motivations du héros, plus proche du neuneu bas du front qui fonce dans le tas que d’un idéaliste avec une conscience politique ou d’un anti-héros embarqué malgré lui dans la lutte. Un minimum d'écriture aurait fait du bien... L’invasion alien manque, par ailleurs, de substance et aurait dû, à mon sens, être décrite comme davantage malfaisante pour emporter l’adhésion du public envers le héros. Résultat : on a presque plus de sympathie pour les "méchants" que pour les "gentils", ce qui est un comble au vu du parti-pris du film ! "Invasion Los Angeles" est, donc, un effarant raté où il n’y a rien à sauver (à part les aliens et une image finale amusante). Incompréhensible de la part d’un génie comme John Carpenter…