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White Fingers
15 abonnés
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5,0
Publiée le 8 avril 2024
Kenji Mizoguchi est un immense réalisateur qui, tout au long de sa carrière, n'a eu de cesse de dénoncer la condition des femmes dans la société japonaise, un thème malheureusement universel et intemporel, à l'image de la réalité actuelle (le film date de 1952). « La vie d'O'haru, femme galante » est un film captivant, sublimé sa photographie soignée et sa mise en scène délicate. Il nous plonge dans le Japon médiéval pour suivre le parcours tragique d'O'Haru, une femme issue de la noblesse, tombée en disgrâce et totalement à la merci des événements qu'elle ne peut contrôler ; dépouillée de son libre arbitre. La performance de l'exceptionnelle Kinuyo Tanaka qui incarne O'haru touche profondément, illustrant la descente inexorable d'une femme au sein d'une société impitoyable où l'amour est banni et la survie un combat de chaque instant. En acceptant sa lenteur narrative sublimée par la musique envoutante de Ichirō Saitō, j'ai découvert un diamant brut du cinéma japonais, récompensé d'un Ours d'argent à Berlin, interrogeant avec acuité la condition féminine. Ce film n'est pas juste une tragédie lyrique, mais une réflexion sur l'injustice et la résilience humaine face aux adversités d'une structure patriarcale rigide voire cruelle. WHITE FINGERS : LA PISTE SYSKIYOU (TOME 1) et LE CIMETIERE DES SQUAWS (TOME 2) (Amazon Kindle).
Le meilleur film de Mizoguchi (avec Intendant Sansho). Un drame si bien écrit et réalisé ! Que dire du personnage principale si attachante où l'on veut son bonheur. Une claque !
Film japonais poignant s'il en est ! Une femme commet un acte inqualifiable dans le Japon féodal : avoir une relation avec un homme de caste inférieure. Une lente descente aux enfers commence alors pour elle. Tous ceux qu'elle rencontre la traitent en fonction de leurs intérêts égoïstes et immédiats : donner un héritier à une illustre famille et la chasser dès que l'objectif est atteint, coucher pour quelques pièces, se sentir grandi en l'humiliant publiquement... La société patriarcale hyper codifiée du Japon est irrespirable de rigidité, de bigoterie, de code d'honneur perverti et de jalousie mal assumée. L'accumulation de malheurs que traverse O'Haru donne le tournis et parait même parfois un peu artificielle. Mais le jeu des acteurs et la mise en scène font de ce film bercé par une musique japonaise aussi jolie que triste une œuvre féministe à voir.
Sorte de "Justine ou Les Malheurs de la Vertu en version japonaise", ce drame bellement cadré (le travelling lorsqu'O'Haru court est magnifique) est sans cesse ponctué par de nouveaux évènements, souvent malheureux, qui nous amènent à réfléchir sur la chance que le commun des mortels peut avoir, notamment sur l'amour. Un peu longuet, le film est pourtant bien orchestré et joué par les protagnistes émouvants. Nous sommes aussi pleinement dans la culture et les décors japonais, avec un style si différent des occidentaux (ce qui dépayse bien).
Encore une merveille à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Encore une merveille due au grand Kenji Mizoguchi, totalement fascinante. Qui nous fascine, malgré un certain nombre d'imperfections, qui à la revoyure, sautent aux yeux: Le mélo poussé à son extrême car, chaque fois que la pauvre O'haru croit s'en sortir, une nouvelle catastrophe s'abat sur sa tête.... Le manque de caractérisation psychologique de O'haru, dont on ne sait rien, finalement: elle n'est qu'un archétype, l'archétype de la femme victime, exploitée.... L'empilement de trois "fausses fins" Le jeu théâtral, assez artificiel, des acteurs. Malgré tout cela, on est envoûtés. Et quelle dénonciation de la condition féminine au Japon! En quelle période, au juste? Sous l'ère Edo, certainement, puisqu'on mentionne les relations familiales entre le seigneur local et le shogun Tokugawa. J'y ai relevé aussi une pointe d'anticléricalisme: quel manque de compassion chez la nonne bouddhiste auprès de laquelle O'haru espère retrouver la paix..... Il y a également une scène fulgurante où O'haru, vieillie, pénètre dans un temple et, devant l'alignement de tous ces bienheureux, crie à ses compagnes de déchéance: "ça, des saints? regardez les! ils ressemblent aux hommes, à tous ces hommes qui sont passés dans nos vies......" O'haru est courtisane à la cour de Kyoto. Toute jeune, elle n'a pas vingt ans sans doute. Et elle tombe amoureuse d'un homme de basse classe. Cela se sait, et elle est chassée de la cour, à la grande fureur de son père. Mais une autre merveilleuse éventualité se présente à elle: la belle épouse du seigneur local ne peut lui donner d'enfant. Un fonctionnaire parcourt les villages pour trouver une jeune fille qui corresponde exactement aux désirs, très précis, du seigneur: c'est juste O'haru! La voilà s'imaginant mener la vie de luxe d'une première concubine, d'autant plus qu'elle accouche d'un fils. Hélas! les ministres trouvent que leur maître prend trop de plaisir avec O'haru, épuisant ses réserves vitales. la voilà renvoyée..... là, son père qui a évidemment échafaudé des plans sur la comète, est fou de rage. Une scène poignante montre O'haru, mendiant au bord d'une route, regardant passer l'enfant devenu un bel adolescent, dans un riche palanquin.... Entre temps, essayant de s'employer comme servante, elle est persécutée par ses patrons et finit par tomber dans la prostitution la plus sordide. O'haru, c'est Kinuyo Tanaka. J'ai vu passer au générique l'inévitable Toshirô Mifune..... mais n'ai pu l'identifier!! Oui, cinéma profondément humaniste, féministe, et envoûtant.....
Un cadrage ultra minutieux, une mise en scène précise. Une histoire poignante mais quelques longueurs qui alourdissent le rythme. Et le jeu des acteurs comme d'hab dans le cinéma de mizogushi est très théâtral.
Mizogushi n'a pas toujours de la chance avec les versions numérisées de ses œuvres, qui paraissent souvent sous-exposées (cf. les amants crucifiés) et c'est malheureusement le cas ici. D'où l'impression d'une nuit ou d'un crépuscule perpétuel et grisâtre. Ceci étant c'est incontestablement un grand film avec une structure un peu bizarre: exposition, retour en arrière pour les trois quarts du film avec des scènes successives un peu comme au théatre, séparées par des "fondus au noir" et sans lien entre elles, si ce n'est que cela suit la chronologie. puis retour au début et finale extraordinaire. Il y a des moments où ce n'est pas évident à suivre! L'actrice principale manque un peu de charisme.
Le destin de cette femme se résume dans cette scène avec la vieille dame qui chante. O'haru écoute dépitée, adossée à la colonne: "mon être n'est que lamentation, la vie peut l'abandonner". Terrible prémonition pour la jeune fille humiliée et repoussée tant de fois, sur qui le malheur s'acharne, qui ne peut se révolter dans le Japon de cette époque et qui doit subir sa destinée sans broncher. Vraiment très beau et émouvant. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, on peut le comparer avec le sublime mélo "Madame X" avec la non moins sublime Lana Turner
Mizoguchi aura changé plusieurs fois de studio au début des années cinquante pour parvenir à adapter "Une femme de plaisir" du poète Saikaku Ihara. Le succès mondial de "Rashomon" d'Akira Kurosawa (Lion d'or à Venise et Oscar du meilleur film étranger en 1951) rend les choses possibles pour le réalisateur au sein de la société Koi Production. La vue du film nous fait aisément comprendre l'acharnement de Mizoguchi à vouloir porter cette œuvre à l'écran. On y retrouve toutes les préoccupations du réalisateur et la possibilité pour lui d'offrir un écrin somptueux au talent de Kinuyo Tanaka son actrice favorite qui trouve ici le rôle de sa vie. Au XVII ème siècle, O'Haru (Kinuyo Tanaka) vieille prostituée entrée dans une église où lui font face d'innombrables statues de Bouddha lui rappelant la multitude de ses clients, se remémore son douloureux parcours de jeune fille de la petite noblesse devenue prostituée des quartiers miséreux. Un peu à la manière d' "Au hasard Balthazar" de Robert Bresson qui en 1966 décrira l'ignorance et la méchanceté des hommes à travers les portraits des différents propriétaires d'un âne au sein d'une vallée pyrénéenne, Mizoguchi dépeint via le parcours d'O'Haru, la prédestination des femmes japonaises à être l'objet des hommes. Quelques soient les rencontres d'O'Haru, père, patron, amant, mari, fils ou client, c'est au statut d'esclave que sa condition de femme la renvoie sans coup férir. La comparaison de prime abord un peu osée avec l'animal ne parait pas si incongrue. Comme pour l'âne Balthazar, les rares moments de bonheur sont rapidement réprimés pour permettre à la grande roue du malheur de se remettre en mouvement. Mizoguchi dont la sœur avait été vendue comme geisha par son père alors qu'il avait cinq ans n'aura de cesse de mettre en scène des héroïnes dont le parcours sera sans fin entravé par la domination impitoyable de l'homme. O'Haru portée par une Kinuyo Tanaka à son sommet représente sans aucun doute la somme de toutes les femmes mizoguchiennes, celle qui resterait s'il fallait n'en retenir qu'une. Toujours fidèle au plan-séquence qui installe une certaine distance, Mizoguchi n'entend en rien souscrire à un pathos larmoyant qui risquerait d'amoindrir un tant soit peu la dignité de son héroïne. Le film rencontrera un succès d'estime à la Mostra de Venise en 1952 (International Award partagé avec "Europe 51" de Roberto Rossellini et "L'homme tranquille" de John Ford), annonciateur du Lion d'argent pour "Conte de la lune vague après la pluie" un an plus tard.
Ardant défenseur de la cause des femmes. Mizoguchi dépeint un Japon médiéval ou règne l'injustice des hommes. Construit sur un grand flash-back le film captive par le beauté de sont noir et blanc et par la précision implacable de ses cadres. Le réalisateur sait donner à l'histoire une intensité poignante.
Comment une courtisane a-t-elle pu tomber au plus bas de l'échelle sociale ? La Vie d'O'Haru femme galante, l'un des plus pathétiques de Mizoguchi, ne repose pas tant sur le fatalisme que sur l'incohérence des mœurs de la société japonaise médiévale, où une femme n'a le droit que de se taire (c'est un honneur donné par le grand Seigneur qu'O'Haru soit sa mère !), et où l'amour entre les classes est tabou : la descente aux enfers a commencé dès qu'un homme a posé son regard sur O'Haru (le bal des malheurs s'ouvre sur une romance aux accents tragiques avec Toshirō Mifune). Entre le déshonneur, les pires humiliations, O'Haru perd sa fierté (elle qui, dans une scène mémorable, jetait l'or d'un client à sa figure en y joignant le mépris le plus cinglant, finit des années plus tard à s'agripper au moindre passant, potentiel client, et accepte l'argent d'un vieux qui l'insulte). Cette fierté est parfois ambiguë, O'Haru ne manquant pas d'une certaine hypocrisie : elle lève la tête devant son patron pour tomber à ses genoux une minute après et quand la situation tourne à son avantage, elle ne se prive pas de rehausser le menton. Mais la succession des échecs aura raison de sa superbe. Pour marquer profondément la déchéance, Mizoguchi la narre en flash-back : c'est d'autant plus impressionnant de voir à quel point elle peut remonter (elle devient grande concubine et se fait renvoyer dès qu'elle a rempli le job de donner un héritier, se marie avec le meilleur des hommes qui se fait assassiner peu après etc.) et chuter à chaque fois que sa condition précédente se fait connaître. Mizoguchi, virtuose de la composition des plans, ne fait que renforcer par de violents plans-séquences (le choix d'une concubine par le messager s'effectue comme une revue pour l'achat d'un cheval ou le contrôle de vulgaires marchandises) ou bien suggère par des plans larges l'isolement du personnage au milieu de ruines humaines.
Histoire intéressante d'une femme, de sa vie, de ses amours, de ses combats. Mais au delà de cela, Mizoguchi, en sa qualité de formidable metteur en scène, réalise une magistrale peinture de la société japonaise d'antan. L'amour est bani; au point que le monde se transforme en chaos inimaginable : pas de pitié, on ne peut plus sortir sans se faire assassiner, pas de justice, l'argent plus fort que tout, les parents qui protistuent leurs enfants. La mise en scène est d'une qualité incontestable selon toutes les composantes (gestion du mouvement, acteurs, plans, sons et musiques). Celle-ci donne au scénario toute sa valeur et à la réflexion toute son émotion. Petite réserve, on préférera tout de même "Les contes de la lune vague après la pluie", " =L'intendant Sansho" ou "Les contes des chrysanthèmes tardifs" Excellent film qui pourrait bien se voir accorder le titre de "Coup de maitre". (15.5/20)
Sur que les dernières années de Mizoguchi (1951-1956) restent de loin les plus grandes années cinématographique ! La Vie d'Oharu, femme galante en est un parfait exemple. Son réalisme hors pair, inégalable se ressent à chacun de ses films et nous plonge avec tant de vraisemblance dans ses contes. Plan séquence, travellings minutieusement maitrisés et photographie somptueuse Kenji renverse une fois encore le spectateur. Sans oublier la remarquable interprétation de la fidèle Kinuyo Tanaka, dont on suit son personnage femme courtisane qui par la suite devient vulgaire prostitué dévisagé par autrui. Autant de poésie narratives, de lyrisme musicale polyvalent, de métaphores visuelles qui font naitre chez le spectateur de multiples réflexions sur la condition féminine à travers le féodalisme brutale et calomnieux de cette époque. Il en résulte une tragédie lyrique hyperréaliste et une expérience cinématographique inoubliable de par tous ces aspects où se transcrit un réalisateur ayant un parfait contrôle sur son œuvre. Film culte à voir!
13 657 abonnés
12 397 critiques
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5,0
Publiée le 12 avril 2011
Les six dernières annèes de la vie du grand Kenji Mizoguchi furent particulièrement riches en chefs d'oeuvre, en tête desquels il faut placer "La vie d'O'haru, femme galante", qui contient de grandes beautès! Superbement photographiè, Mizoguchi filme en miniaturiste et prouve dèfinitivement qu'il est l'un des maîtres du cinèma japonais, où il met admirablement en scène les aventures de O'Haru, descendante d'une noble lignèe de samouraïs, devenue courtisane, avec ses malheurs et ses persècutions! Dans le rôle de cette femme qui finira de la manière la plus misèrable, Kinuyo Tanaka est inoubliable! il faut ici accepter la lenteur et l'absence de progression dramatique pour pouvoir adhèrer à ce diamant brut du cinèma japonais qui reçut en 1952 un prestigieux Ours d'argent au festival de Berlin...