Christian Viviani du magazine Positif resitue l'oeuvre du cinéaste dans son contexte: "Klute (1971) fut un véritable coup de maître où régnait en souveraine une Jane Fonda que l'on ne connut plus jamais aussi magique. Thriller ruminatif et sombre, désespéré et paranoïaque, Klute portait les stigmates de son temps qui allaient devenir les éléments reconnaissables du style et de la thématique de Alan J. Pakula: bandes magnétiques se dévidant en gros plan, prisons de verre aux parois coulissantes, espaces vidés ou cloisonnés, l'écran large comme format privilégié de la solitude existentielle. C'était là le premier volet d'une magistrale trilogie constituée par A cause d'un assassinat(1974) et Les Hommes du Président (1976) : il saisissait à merveille le reflet glauque de l'Amérique, déchirée par la guerre du Viêt-nam, sous le coup de l'assassinat de Kennedy et du scandale du Watergate. Klute montrait le contrecoup de ce désarroi sur des destins individuels (un flic taciturne et une call-girl à la dérive). À cause d'un assassinat proposait une thèse troublante sur l'assassinat politique: le film restera sans doute comme le chef-d'oeuvre du genre; Alan J. Pakula y affirmait une maîtrise confondante de la métaphore visuelle. Les Hommes du Président rejoignait la réalité et mariait avec adresse la rectitude documentaire à l'épaisseur romanesque."
Le réalisateur évoque la place de son film dans le genre du film noir : "Au départ Klute a toutes les caractéristiques d'un policier des années 40. Pour moi, qui ai commencé à mettre en scène assez tard, ce qui m'attirait, c'était d'utiliser un genre à mes propres fins. Le pastiche ne m'intéressait pas mais au contraire, par le biais d'une forme classique, de faire une exploration contemporaine. Ce qui est merveilleux aussi dans le film de suspense, c'est qu'il vous permet la stylisation ou la théâtralisation, ce qui n'est pas possible dans des films plus simples comme The Sterile Cuckoo. Il y a aussi des personnages comme celui du tueur sadique que l'on n'avait jamais le temps d'expliquer verbalement mais que l'on Dans l'Amérique puritaine, où dénuder un sein à l'écran revient à se vautrer dans le stupre, pas étonnant que Jane Fonda ait fait trembler les censeurs d'Hollywood ! Il faut dire que l'actrice rentre tout juste de France – le pays de la débauche aux yeux des Américains – oùelle a incarné une sorte d'"icône érotique" en jouant Barbarella sous la direction de Roger Vadim..."
Alan J. Pakula parle du personnage de Jane Fonda: "Ce qui me fascinait en elle, c'était son irrépressible besoin de séduire, non pastellement pour des raisons sexuelles que pour se rassurer, pour avoir le sentiment d'exercer un pouvoir. Elle aime un monde où elle n'a pas à éprouver de sentiments, ce qui est rassurant pour quelqu'un qui a peur d'être blessé. Mais ce besoin de séduire est aussi le trait tragique de son personnage qui fait d'elle une victime en puissance, la met en danger. Je pouvais ainsi dramatiser son problème dans le cadre d'une histoire policière et lier les deux rythmes - personnages et intrigue - qui n'étaient plus dès lors vraiment séparés. Cela ne m'aurait pas intéressé de faire Klute si cela avait été l'histoire d'une fille qui marche dans la rue et qui est tuée accidentellement par un fou."
En interprétant une call-girl farouchement indépendante dans Klute, Jane Fonda affirme plus encore son statut de "femme libre" qui n'a pas besoin des hommes : elle vit seule, s'assume et ne cherche pas à faire de rencontre. Mais c'est surtout le franc-parler de la comédienne qui frappe : jamais on n'a entendu une femme parler de sexualité aussi librement au cinéma – aussi librement, en réalité, qu'un homme ! Et c'est bien cela qui choque l'Amérique conservatrice : comment un personnage féminin, prostituée de surcroît, ose-t-il évoquer des notions comme le plaisir ou l'orgasme ? Jane Fonda dans Klute symbolise, au tout début de ces psychédéliques années 70, la libération sexuelle et l'émancipation des femmes. Ses tenues vestimentaires, sa coupe de cheveux, sa manière de se tenir ou de marcher, sa langue débarrassée des traditionnels euphémismes, ses yeux qui ne se baissent pas dès qu'un homme la dévisage – tout fait d'elle la vivante incarnation d'un pays qui change d'ère.
Le film a remporté deux statuettes : l'Oscar de la meilleure actrice pour Jane Fonda et du meilleur scénario original. Le discours de Fonda a d'ailleurs été le plus court jamais entendu, la comédienne se contentant de : "Merci... merci beaucoup aux membres de l'académie et merci à ceux qui viennent d'applaudire. Il y a beaucoup de choses à dire mais je n'en parlerai pas ce soir, je souhaite seulement vous remercier du fond du coeur".
D'après sa biographie, Jane Fonda a suivi avant le tournage quelques call girls et détectives privés afin de préparer son rôle. N'étant pas sur de pouvoir interpréter son personnage, elle a proposé à Alan J. Pakula de choisir à sa place son amie Faye Dunaway.
Jane Fonda se souvient d'une actrice qu'elle avait rencontré lors de son cours de théâtre avec Lee Strasberg et qui avait travaillé avec John Fitzgerald Kennedy. Elle a donc décidé que son personnage soit déjà rentré en relation avec l'ancien président des Etats-Unis. On peut par exemple voir dans le film une photo de l'ancien président sur son frigérateur.
L'appartement de Bree a été construit dans un studio d'enregistrement de son à New York où Jane Fonda pouvait passer la nuit. Cette dernière a contribué à la décoration de cet appartement en décidant que Bree serait une lectrice de roman à l'eau de rose et vivant avec un chat.