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Un visiteur
4,0
Publiée le 18 mars 2009
3 femmes (la fille, la mère et la grande-mère) se regardent dans un miroir brisé, symbole (trop appuyé) de l'identité incertaine de l'une, des souvenirs brouillés de l'autre et du destin brisé de la troisième... avec le traumatisme de Hiroshima comme arrière-plan. Yoshida est un plasticien qui compose ses plans comme autant de tableaux.
Le silence et l’absence qui marquent les premières minutes de «Kagami no onnatachi» (Japon, 2002) de Kijû Yoshida sont assez marquantes pour pouvoir être mentionnées. S’ouvrant sur une musique pincées -couvrant tout le film d’angoisse- et éludant les visages derrière des pare-brises ensoleillés ou un parapluie blanc, l’incipit du film renie les identités, le visage des personnages pour mieux les perdre. Ce n’est pourtant pas faute à chacun de vouloir retrouver l’origine de son malaise. C’est ainsi que le film de Yoshida fait écho plus de quarante ans plus tard à «Hiroshima mon amour» (France, 1959) d’Alain Resnais. Tout au long du film résonne à l’esprit la fameuse réplique psalmodiée par Eiji Okada : «Tu n’as rien vu à Hiroshima». Les protagonistes de Yoshida ne semblent rien avoir vu à Hiroshima et c’est cette vue qu’ils veulent recouvrer. Pour ressaisir cette vision de l’horreur, se souvenir de ce que le temps a perdu, Yoshida encoure à nouveau aux femmes que son cinéma affectionne. Dans la lignée de trois générations (une femme âgée (Mariko Okada), une femme mûre et une jeune femme), Yoshida arpente les voies de la guérison. Il s’agit de guérir les cœurs, hantés par l’héritage de ce désastre. Sans faire appel explicitement aux corps calcinés, aux lambeaux des chairs embrasées, Yoshida évoque dans chacune de ses images la tension d’Hiroshima. C’est en-deçà du récit que grouille la terreur de l’oubli. Il fallait à Resnais et à Duras des mots-requiem que Yoshida substitue par un drame familial (réminiscence d’Ozu). Mais l’objet du film n’est plus le quotidien itératif d’Ozu, il est question chez Yoshida du poids de la bombe atomique. Le bris du miroir dans lequel se reflètent des visages éraflés ne se réparera pas. La fille perdue qui, retrouvée, apaise les maux du souvenir ne le sera jamais. Dernier film de Yoshida au moment où j’écris ces mots, c’est avec l’urgence de témoigner du souvenir de l’affreux évènement que le cinéaste grave ses images.