On est tous amoureux de Cabiria, ce petit morceau de femme qui ressemble à un volatile, stressée, sans attache, morte dans l’âme, mais qui résiste à l’appel de la pauvreté, qui n’ose pas se remémorer, ni avouer, qu’elle habite dans les quartiers les plus pauvres de Rome.
Frederico Fellini, qui réalise ce film trois ans avant la sortie de « La Dolce Vita », fait ici de l’art avec la pauvreté. Il filme le monde, atroce, dans ce comte purement italien, atteint d’une poésie aigue et d’une grande humanité. Cabiria, elle est entièrement pitoyable, allant jusqu’à insulter ceux qui lui on in extremis sauvé la vie. Et pourtant, on se rapproche, et on découvre l’une des héroïnes les plus attachantes de l’histoire du cinéma. Elle regarde de l’avant, inspire une vie meilleure, mais elle est malchanceuse. Elle se laisse entrainer avec une star de cinéma dont elle ne tirera rien, les gens qu’elle croise l’humilient, la laisse sur le bord de la route, mais elle ne perd jamais une quelconque confiance en elle. Ce qui est choquant, c’est qu’elle semble avoir l’habitude de se faire traiter ainsi, comme une ordure…Et pourtant Fellini sublime son héroïne d’une manière quasiment extraordinaire, on la frôle, on la touche, son sourire est sublime, la peau tactile et sa gestuelle veloutée, des arguments maitrisés par la majestueuse Giulietta Masina qui n’a pas volé son prix de la meilleure interprétation Féminine au Festival de Cannes, le même festival ou son époux Frederico Fellini sera primé de la Palme d’Or pour « La Dolce Vita ».
« Les Nuits de Cabiria », c’est également le souci et la conscience du détail, une cruauté presque ironique, celle des hommes, celle de Dieu, un rythme inégal dans un scénario merveilleux, qui s’appuie sur une thématique conventionnelle, qui referme pourtant des séquences inoubliables.
« Les Nuits de Cabiria » est un film qui sourit de son malheur, qui referme la lumière, pour que cette dernière soit valorisée lorsqu’elle éclate. Une œuvre inoubliable, forte, magnifique, à la limite proche de l’univers de Chaplin. Confirmant au passage mon amour pour le cinéma Italien.