Parmi les films de Kurosawa, "Vivre" possède une réputation des plus favorables, certainement liée à sa dimension humaniste et mélodramatique. Or, c'est sur ce point que le film déçoit dans sa première partie, trop larmoyante et sans densité. Pendant une bonne heure, on assiste à un Kurosawa en mode mineur, qui suit certes avec sensibilité mais aussi sans nuances le désespoir d'un homme condamné, qui se demande ce qu'il va pouvoir faire pour sauver sa vie. Watanabe (Takashi Shimura) se raccroche à une jeune fille pour tenter in extremis de vivre et cherche un moyen de réaliser une action louable. C'est dans son second mouvement que le film trouve son envol, dramatique et politique, qu'il trouve une subtilité et une acidité incarnées par la précision des cadrages, l'intelligence des dialogues et la pertinence d'une construction en flashbacks qui relate par bribes la démarche de Watanabe, celle de construire un parc pour enfants sur un terrain détruit. En confrontant le présent (les administrateurs qui débattent lors de la veillée funèbre) et le passé (l'avancée du projet), Kurosawa ne minimise pas l'obstination et le courage de Watanable, décidé à construire ce parc, mais n'oublie pas non plus que la concrétisation de ce projet doit surtout à l'opportunisme des pouvoirs politiques en période électorale. Ce que la fin du film résume avec brio, synthétisant parfaitement la dialectique politique à l'oeuvre, c'est que ce parc, quelles que soient les raisons pour lesquelles il a vu le jour, existe bel et bien et donne un peu de bonheur aux enfants d'un quartier pauvre; mais en parallèle est également affirmée la paresse d'une administration incorrigible qui n'a que faire d'une population en détresse. Au final, "Vivre" n'est pas un sommet dans le filmographie de Kurosawa, mais une pièce singulière et importante.