Par bien des aspects, La Bête de guerre est une oeuvre remarquable, surprenante aussi, tant elle parvient à admirablement retranscrire ce qu'est l'horreur de la Guerre, ses boucheries et sa difficulté, avec ici le cadre du conflit opposant l'Union Soviétique à l’Afghanistan dans les années 1980.
Kevin Reynolds, qui n'a alors que mis en scène le sympathique Fandango auparavant, nous emmène au cœur d'un sanglant conflit, et il ne va pas chercher à édulcorer le récit, ce qui n'est guère surprenant dans cette période où le cinéma Américain n'hésite pas à accabler la Russie. Il s'intéresse particulièrement à une petite troupe soviétique qui va se retrouver perdue dans le désert et poursuivie par une résistance afghane en quête de revanche.
Ce qui va notamment l'intéresser, c'est comment cette petite garnison centrée autour d'un char de combat va s'organiser et faire face à cette dure situation. Si les personnages ne sont guère approfondis, ils n'en restent pas moins intéressants, à l'image du commandant tyrannique ou des intellectuels, et Reynolds parvient à créer un climat assez fort autour d'eux, limite angoissants par moment et régulièrement sous tension. Il mêle le spectateur aux déboires de ces gars, faisant même ressentir la sensation d'être à leurs côtés.
La Bête de guerre demeure aussi assez surprenant dans sa façon de montrer les faillites d'une occupation étrangère, comme en témoigne le traitement réservé au civil, les moyens utilisés par le pays riche pour éduquer, ou du moins tenter de faire sortir une population de l'obscurantisme ou encore la violence gratuite, comme les terribles images du puits empoisonné. Finalement, et lorsqu'on voit les événements qui ont suivi, et même ceux passés, Reynolds démontre implacablement que cette guerre impérialiste n'est que le reflet de celles menés par le pays de l'Oncle Sam depuis maintenant plusieurs décennies. Il met sur le même pied d'égalité les horreurs guerrières venant du capitalisme et celles venant d'un pays socialiste, dénonçant ces guerres absurdes qui détruisent les vies et les cerveaux.
Toujours à la limite d'être manichéen, au point de parfois la dépasser, Kevin Reynolds parvient à habilement faire oublier ça grâce à sa maîtrise de la caméra et des grands espaces. C'est la force de La Bête de Guerre, cette façon de nous immerger dans ces longues plaines désertiques, il sublime une parfaite reconstitution, joue remarquablement avec l'espace et monte parfaitement son film. Les effets spéciaux sont de qualités, tout comme la direction d'acteur, tandis que de nombreux plans et séquences en deviennent mémorables, à l'image des magnifiques paysages écrasés par le soleil, participant à l'atmosphère âpre et tendue du film.
Quelques années avant de connaître un franc succès avec Robin des Bois, Kevin Reynolds met en scène La Bête de Guerre où il démontre implacablement les horreurs humaines, mettant en avant sans concession ces boucheries, dans une atmosphère tendue, âpre et écrasée par une soleil plombant.