Ah les années Reagan... L'anticommunisme battait son plein au cinéma, tout était bon pour casser du rouge. Films sportifs, films de guerre revanchards où des soldats revenaient au Vietnam... et aussi des films d'invasion, où il s'agissait de défendre sa patrie contre les cocos. A côté des nanars avec Chuck Norris, "Red Dawn" constitue une proposition plus sérieuse et plus intéressante, toutefois pas toujours bien exécutée.
Le début est pourtant très efficace. Quelques textes nous mettent dans le bain de cette fiction géopolitique où les USA sont isolés militairement. Des lycéens suivent mollement un cours d'histoire sur les invasions des Huns, dans une petite ville tranquille du Colorado. C'est alors que débarquent des parachutistes agressifs qui rasent tout sur leur passage. Dont l'ironie de ce professeur expert en invasion, incapable d'en reconnaître une chez lui !
D'ailleurs l'idée maîtresse d'une invasion vue exclusivement d'une petite ville, et en particulier d'un groupe de jeune, est très bonne. On y voit aussi une occupation plausible façon Troisième Guerre Mondiale, avec collabos, résistants, exécutions publiques, surveillance, lavage de cerveaux... Il y a 10 ans, j'aurai taclé ça d'anti-communisme primaire, aujourd'hui je me dis malheureusement que ça doit être proche de ce qui se passe en Ukraine...
Je note aussi que les Russes et Cubains parlent russes et espagnols, et pas un anglais avec un accent ridicule, chose rare !
Avec en prime une jolie musique de Basil Poledouris (bien qu'un peu trop discrète). De très beaux paysages naturels. Et une galerie de jeunes comédiens qui auront des rôles à succès dans les années qui suivront (Charlie Sheen, Jennifer Grey, Lea Thompson...).
Mais alors qu'est ce qui ne va pas ?
Déjà, les personnages sont peu élaborés. A part celui de Patrick Swayze, plus vieux, les autres font office de décoration. Ensuite, le postulat est difficile à avaler. Voir ces lycéens paumés devenir immédiatement des pros de la guérillas, capables de dézinguer des Russes par paquet de douze (y compris le Spetsnaz !), c'est assez risible.
D'autant qu'à l'écran leur tactique consiste surtout à tirer dans le tas. Quand en face les Russes et leurs alliés font office de sous-doués, incapable d'arrêter une poignée de résistants inexpérimentés. Les scènes d'action sont en outre molles, mise à part l'introduction qui joue l'effet de surprise.
Je décèle aussi dans le film, entre deux propos anti-guerre bien amenés, des propos plus douteux très conservateurs. C'est le droit des scénaristes, mais disons que ce n'est pas toujours subtils ("n'enregistrez pas vos armes, en cas d'invasion l'ennemi saura vous retrouver").
Un film en demi-teinte, qui s'est pourtant inscrit dans la popculture américaine. Jusqu'à être référencé de temps en temps (l'opération de capture de Sadam Hussein fut nommée "Red Dawn" en clin d'oeil au film !). Il a même eu le droit à un remake anecdotique en 2012.