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    Damnation
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    19 critiques spectateurs

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    gimliamideselfes
    gimliamideselfes

    3 095 abonnés 3 969 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 20 mars 2017
    Si je n'ai pas retrouvé dans ce film de Bela Tarr les longs et lents travellings suivant un ou plusieurs personnages de dos marchant dans la campagne, il faut avouer que le premier plan du film impressionne immédiatement. On y voit un paysage rural, boueux, défiguré par l'activité humaine où les pilonnes tractant des sortes de bennes gigantesques font un vacarme qui durera tout le film.

    Le décors est planté. Et dans ce milieu que l'on voit triste, sans vie, un homme plutôt vieux, plutôt laid, tombe amoureux. Il est prêt à tout pour elle, pour être elle, jusqu'à s'humilier, venir la voir pour qu'elle lui crache au visage. Elle couche avec lui sans tendresse, sans passion...

    Et pendant que la foule s'enjoie durant les bals nocturnes le héros ne peut que rester là, assis sur sa chaise pendant que la femme aimée suce un autre homme dans une voiture garée devant le bar.

    La force de Bela Tarr est là, faire sentir tout la déchéance (la damnation) du personnage, qui s'il a droit à quelques brefs moments où il obtient ce qu'il veut (la fille), ces moments sont sans vie, sans joie, pas désagréables mais atrocement mornes. Il est condamné à ne pas être heureux, à n'être rien, à n'être que de la boue parmi la boue, pendant que les autres villageois tentent d'oublier la morosité du quotidien en dansant, laissant eux aussi, une fois la fête terminée uniquement le chaos et la désolation.
    andreasy
    andreasy

    7 abonnés 122 critiques Suivre son activité

    1,5
    Publiée le 6 avril 2012
    Un film glauque qu'on regarde un peu comme on subit un cauchemar. Les personnages sont vides et sans intérêt. On doit même se taper l'ancien testament, c'est long et l'on s'ennuie ferme. De belles images (finalement très répétitives) ne peuvent sauver ce genre de film. ça mouille, ça mouille sans cesse et puis quand on est au sec c'est à bord du Titanic. Alors forcément on sombre... dans le sommeil. Cependant je comprends que ça puisse en attirer certains.
    anonyme
    Un visiteur
    1,5
    Publiée le 18 avril 2011
    Pour la forme un noir blanc bien utilisé donne toujours un bon résultat, rien à dire de ce coté. Maintenant on ne peut pas remplacer un vrai scénario juste en forçant le trait sur l'ambiance, l'ennui domine. Le film ressemble à la caricature qu'on a intégré inconsciemment quand on pense à un film d'europe de l'est.
    Nelly M.
    Nelly M.

    98 abonnés 525 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 23 octobre 2007
    Vu en dvd version originale sous-titrée en octobre 2007. Impressionnant ! On balance constamment entre les déclinaisons de la pluie et celles de la chaleur humaine. Avec plein de caprices de caméra (sur les verres pendant un dialogue capital, avec ce rire insupportable). Ces bennes qui passent et repassent mettent dans un étau, mais plus que tout, c'est leur bruit particulier qui fascine, tous les bruits de ce film semblent amplifiés à dessein (pas de l'acteur principal, nourriture croquée à grand fracas). On stationne beaucoup sur des scènes de non communication ou de fausse communication. La présence des chiens m'a fait penser à Léo Ferré "je suis un chien"... Bizarre, noir, inquiétant, finalement ironique avec ce bar d'un certain bateau emporté par le fond, on est hors du temps, vaguement inquiet et pourtant prêt à remettre ça !
    stebbins
    stebbins

    507 abonnés 1 747 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 17 décembre 2011
    L'un des films les plus émouvants de Bela Tarr...C'est une oeuvre pleine de tristesse, dépressive et contemplative qui confine à l'hypnose. La musique est bien le personnage principal de ce film d'une beauté charbonneuse : elle parle d'elle-même, comme une voix nostalgique et singulière. L'histoire de cet homme seul, amoureux jusqu'à la folie, est totalement poignante. Certains plans sont indélébiles ( je songe au plan où Karrer aboie avec un chien sous la pluie torrentielle, comme un être mourant ayant perdu l'amour et l'honneur...). Moins réussi pourtant que Le Tango de Satan ou que Les Harmonies Werckmeister, Damnation use et abuse parfois de ses longueurs. C'est un film sur un homme perpétuellement en train de mourir et de souffrir, sur une chanteuse belle de nuit baignant dans une lumière crépusculaire. C'est une histoire d'amour déchirante qui ravira les aficionados du cinéaste hongrois. Un très beau film qu'il serait temps de populariser, car il s'agit bien d'une perception du cinéma unique et poétique. A voir absolument.
    GabbaGabbaHey
    GabbaGabbaHey

    210 abonnés 1 583 critiques Suivre son activité

    4,5
    Publiée le 3 septembre 2011
    Première collaboration entre Bela Tarr et László Krasznahorkai, collaboration fructueuse et qui continuera encore, et qui a permis a Bela Tarr de signer ses trois films les plus importants, avec "Satantango" et "Les Harmonies Werckmeister". "Damnation" est un chef d'oeuvre, un film exceptionnel.. Il plonge le spectateur dans un monde sombre et mélancolique, dans lequel on rencontre des personnages vides, victimes d'eux-même, perdus, complices de leur morne existence... Et de cet atmosphère triste et sale parvient a s’échapper de l'espoir, de la poésie, a travers l'amour, l'amour et la fascination que le personnage principal, Karrer, éprouve pour une chanteuse. "Damnation" nous entraine très loin, nous fait voyager dans la misère et le désespoir, et le fait brillamment, nous rendant témoin d'une performance esthétique marquante car, en effet, la mise en scène est absolument magistrale, les plans sont tous plus fascinants les uns que les autres et d'ailleurs la bande originale qui les accompagne est absolument sublime.
    max6m
    max6m

    73 abonnés 180 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 7 juillet 2008
    Si vous voulez vous taper une bonne tranche de rigolade, fuyez ce film! C'est désespérément mélancolique, neurasthénique, glauque, et vidé de toute lueur d'espoir... mais qu'est-ce que c'est beau! Réalisé en 1987 (ce qui illustre un peu l'avance considérable du monsieur sur ses contemporains) Damnation est un film dont je cherche encore le moindre défaut, vainement... On regarde la première séquence, long plan au rythme étrange, qui est celui même de la vie, fascinés de bout en bout. Puis quand celle-ci se finit, on est directement happé par la suivante, que l'on regarde avec la même admiration. Le film se construit ainsi comme une succession de plans séquences époustouflants. Si il y a 20 séquences dans le film, alors il y a 20 oeuvres d'art dans Damnation, le tout formant un chef d'oeuvre unique, ne ressemblant à rien d'autre qu'aux futurs films du cinéaste hongrois. Mais ce n'est pas que l'intelligence de la mise en scène et des mouvements de caméra ainsi que la perfection de la maîtrise technique qui nous fascine. Il faut aussi vanter le travail exceptionnel sur le son, sous mixage incessant de bruits industriels, et la musique désespérée, qui sont tout autant travaillés que l'image. Le tout nous plonge dans une ambiance unique, quasi apocalyptique: celle d'un pays abandonné, envahit par la fange et où la pluie semble tomber continuellement. Tout le monde veut partir, on ne sait où (est-ce mieux autre part où le monde entier est-il devenu ainsi crasseux?) mais les personnages semblent inévitablement englués dans la désolation du décors. "Damnation"... C'est ainsi que finira Karrer, comme tu le monde le lui avait prédit, c'est à dire damné du monde, perdant progressivement toute humanité pour finir agenouillé dans la boue, transformé en chien... Béla Tarr porte bien son nom: son film relève du plus grand art.
    Bertie Quincampoix
    Bertie Quincampoix

    108 abonnés 1 830 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 13 juin 2022
    Réalisé en 1987 par le cinéaste hongrois Béla Tarr, mais sorti seulement une vingtaine d’années plus tard sur les écrans français, Damnation est un film exigeant et contemplatif, dont la superbe photographie en noir et blanc, les plans à la composition sophistiquée et la mise en scène travaillée sont bien plus importants qu’un scénario qu’il faut accepter de ne pas comprendre dans sa totalité. Si certaines séquences sont proches de la caricature d’un cinéma d’auteur peu accessible, d’autres moments, comme les scènes musicales, sont proches du sublime. Même si la menace de l’ennui n’est jamais très loin, une proposition de cinéma dans laquelle il faut accepter de s’abandonner, hors du temps et des chemins balisés, si l’on souhaite prendre un minimum de plaisir.
    Pascal
    Pascal

    163 abonnés 1 694 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 2 décembre 2023
    "Damnation" s'inscrit dans la veine stylistique du slow cinéma ( longs plans séquences, dialogues rares, ambiance hypnotique...) que Béla Tarr poursuivra immuablement dans ses opus suivants.

    Si la vision Schopenhauerienne du monde ( balancement entre la tristesse et l'ennui) chère au cinéaste hongrois, est déjà illustrée dans " Damnation", le scénario repose ici ( ce ne sera pas toujours le cas) sur des éléments classiques.

    Afin de voir sans être dérangé sa maîtresse mariée, un homme ( l'acteur ressemble d'assez près au cinéaste), charge son époux d'aller chercher un arrivage de stupéfiants à sa place.

    Tarr, tente ici d'explorer les sources de bonheur qu'il pourrait rencontrer en ce monde ( l'amour, la fête, la musique) afin de ne pas désespérer totalement. Il n'en trouvera aucune et contribuera même par un acte de vengeance à amplifier la négativité ambiante.

    On trouve déjà avec "Damnation" les cadres du développement scénaristique de certains de ses prochains films ( le bar ou se noue, s'amplifie la négativité, l'indifférence, la solitude, la pluie, les paysages tristes et désolés, les relations amoureuses à sens unique, la dénonciation à la police...).

    On a ici affaire à un des opus les plus réussis du cinéaste hongrois. On y trouve un équilibre entre la durée proposée ( "Satantango" et ses 7h30 ) et l'accessibilité du scénario pour le plus grand nombre.

    Il me parait important de préciser que la thématique artistique quasi unique de l'univers de Tarr, prend toute son ampleur lorsqu'on visionne l'ensemble de sa filmographie. Chaque opus en éclaire un autre.

    Si à un certain moment les exégètes de Tarr on vu dans son oeuvre une critique cantonnée à celui du contexte politique de l'Europe de l'Est d'avant 1989, la suite de sa filmographie ( et ses déclarations) montreront qu'il n'en est rien. Pour le magyar " la vie en ce monde est partout la même" et ce n'est pas une bonne nouvelle...
    anonyme
    Un visiteur
    5,0
    Publiée le 15 mars 2014
    Curieux contraste donc, puisque cette Damnation dont l'Homme doit supporter le poids devient naturellement une façon de s'évader et de découvrir l'autre. Cette malédiction, c'est cette ville noire et grinçante comme jamais. Le premier plan est inoubliable, le film réside en une succession de séquences toutes aussi magnifiques et diverses, plongeant le spectateur dans une Hongrie sombre et illuminée de poésie. A l'image de cette histoire d'amour impossible, mise en sourdine, de ces transactions étranges, encore en sourdine, et enfin de ce personnage de femme, blonde, assez âgée, parcourant les villages en récitant des poèmes, accompagnée de son parapluie noire et des chiens errants. La mort en somme et cette solitude. Celle du héros plus tard, qui dans une ultime danse avec un chien finit par se perdre dans la grande plaine pluvieuse des alentours. Si ce n'est pas un film aussi positif que ces Harmonies, Bela Tarr crée ici un conte profondément lointain, onirique, habité d'images et de musique, de portraits charmants de personnages, d'un monde souterrain et bavard. Tout est en flottement, en glissement, une certaine maîtrise du travelling que Bela ne cessera de réutiliser. Ici, elle a la puissance et la candeur des premières œuvres maîtresses. Sans doute son film le plus sensuel également, le plus univoque, puisque c'est par la danse que tout glisse, vers la danse, dans une flaque ou une grande soirée festive. Bela Tarr confirme qu'il est l'un des plus rêveurs et des plus réalistes cinéastes : cette dernière scène de danse collective (tout en glisse encore une fois) est l'une des plus belles jamais filmée.

    On n'oubliera également cette fin d’apparence mineure, mais qui vous laisse profondément meurtris de cette disparition, la musique voulant encore régner en souveraine pour quelques instants, c'est elle qui clôturera ce monument discret.
    thewall
    thewall

    14 abonnés 740 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 29 septembre 2006
    Datant de 1987, ce beau poème de Bela Tarr parvient seulement maintenant à se frayer un chemin jusque dans les salles françaises. Et le constat est immédiat : on est bien devant une oeuvre exceptionnelle à plus d'un titre. Tout d'abord parce que le cinéaste est d'une exigence formelle incroyable : chaque plan est travaillé jusqu'à l'obsession. Le cinéaste multiplie les longs plans séquences avec travellings latéraux afin de mieux scruter le moindre élément du décor. Mais son dispositif formel très élaboré est là pour servir une thématique très intéressante. Ainsi, le cinéaste multiplie les cadres à l'intérieur même du cadre cinématographique (il filme des fenêtres, des portes et des murs), il y emprisonne même ses personnages, faisant d'eux des ombres fantomatiques. Il les filme souvent au travers de miroirs et de glaces, simples reflets d'une vie désespérante car ne menant fatalement qu'à une seule issue : la tombe. Le cinéaste parvient à créer un monde à part. Certes, on entend pendant tout le film des bruits industriels qui montrent qu'une vie active existe, mais elle se situe hors champ. Les personnages du film ne font strictement rien, à part se divertir (au sens pascalien du terme, c'est à dire l'idée que l'homme cherche à oublier sa condition de simple poussière coincée entre deux infinis par le biais du jeu, de l'amour et pourquoi pas ici de l'alcool). On trouve donc peu d'espoir dans ce magnifique poème où de nombreuses scènes nous emportent très loin, comme en apesanteur. C'est un film en état de grâce réalisé par un des meilleurs cinéastes contemporains. Amateurs de cinéma contemplatif à la Tarkovski, laissez-vous tenter et vous verrez que cette oeuvre vous comblera.
    stillpop
    stillpop

    83 abonnés 1 444 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 1 février 2012
    Ce qui est inquiétant, ce n'est pas la magnifique photo noir et blanc, l'histoire sombre et la misère boueuse, sourde, glauque qui vous englue, ce qui est inquiétant, c'est que ça pourrait bien être la France de demain. Ce n'est que la Hongrie, avec une pluie omniprésente, et un désenchantement du Nord prégnant, mais sublimé.
    Ca commence par un très long travelling qui choisit de suite les spectateurs, non-cinéphiles, passez votre chemin. Mais, contrairement à "Goodbye Dragon Inn", c'est un travelling, pas de la photo fixe, ultra construit, superbe de rigueur intellectuelle et esthétique. Sans parler de la bande son, travaillée, jamais gratuite.
    C'est aussi un bien meilleur sujet que "Sombre", même si l'originalité du traitement et la noirceur ambiante donne des envies de rapprochement.
    Du bien bel ouvrage donc. Avant que l'on s'aperçoive que sous l'intrigue parcellaire et lente se cache un vrai scénario et de vrais personnages. Profonds et angoissants.
    Ceux qui sont partis avant la fin rateront une scène extraordinaire avec un chien, et de toute façon, si vous appréciez le début, ce ne sont pas les lenteurs des plans qui vous rebuteront, tout est beau et triste, mais surtout, contrairement à l'esprit "art et essai", maîtrisé.
    Comme "Aaltra", vous pouvez y aller rien que pour la qualité de la photo et de la pellicule cinéma, que l'on voit désormais trop rarement au cinéma, victime de la "beaufitude" de la culture populaire colorée.
    Pas si déprimant que ne le laisse prévoir le titre, mais ce n'est pas un divertissement pour autant.
    Iloonoyeil
    Iloonoyeil

    36 abonnés 245 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 18 octobre 2024
    Bonjour tout le monde,

    Avec ces travellings lents et méticuleux, avec ces dézoomages en un noir et blanc rude et sans concession, avec la pluie qui délivre, qui salit, qui lave, qui clapotte, avec ce danseur qui glisse et qui tintinabulle, avec cette femme énigmatique et chantant sous la lumière tout en restant distante, sensuelle et digne , avec cette autre femme , âgée, qui psalmodie réellement ou imaginairement, avec cette foule dansante en rond, avec la vie quotidienne grasse, crasse, dégueulasse, salace, vorace, peu loquace et ignoblement classe, avec des notes de musique errantes dans un paysage gris et sinistre, avec des chiens libres et plus intriguants que les humains, Bela Tarr nous plonge dans une méditation spirituelle, cruelle, différente, sidérante et distante sans être ésotérique , ni mystique!
    Bela Tarr est vraiment le maître du temps cinématographique lent et métaphorique à souhait.
    Double salut l' artiste!
    Aimez - vous les films au tempo lent , méditatif et philosophique ?

    Bien à vous.

    Gérard Michel
    Arthur Debussy
    Arthur Debussy

    160 abonnés 693 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 24 avril 2022
    « Damnation » est un film d'une noirceur extrême. Bela Tarr y raconte la déchéance d'un homme qui aime sans retour, ce qui détruira sa vie comme celle de ses proches. La photographie imposante en noir et blanc, l'utilisation amplifiée des sons, les plans-séquences contemplatifs, l'étirement du temps... par bien des aspects formels « Damnation » rappelle l'œuvre d'Andreï Tarkovski. Mais il demeure infiniment plus pessimiste, plus désespéré : sur le fond, les rapports avec le cinéaste russe sont beaucoup plus éloignés.

    Ici pas d'intervention de Dieu ou de la grâce mais plutôt de la fatalité. Les hommes et les femmes sont livrés à eux-mêmes dans un monde apocalyptique où l'espoir est absent : tous aspirent à changer leur condition, mais la vie en décide autrement.

    Esthétiquement, « Damnation » marque une rupture dans la filmographie de Béla Tarr. C'est la première fois que le cinéaste hongrois collabore avec son compatriote l'écrivain László Krasznahorkai. Ses films se font moins directement sociaux (même si ça reste un des aspects principaux de son œuvre) et davantage métaphysiques, avec de surcroît une esthétique beaucoup plus soignée et aboutie. Tout en dépeignant la fin d'un monde : la décrépitude de l'ère soviétique.

    Contrairement à ses deux longs métrages suivants, encore plus ambitieux, avec « Damnation », Béla Tarr se « contente » de mettre en scène une intrigue sentimentale, un triangle à trois d'amoureux malheureux. Il a d’ailleurs écrit (avec Krasznahorkai) et réalisé ce film pendant la longue production de « Sátántangó », pour se changer les idées, d’où son côté plus « simple ». Mais si l'intime prédomine ici, l'arrière-plan social n'est pas négligeable, au contraire.

    Tarr donne vie à une Hongrie fantasmée, dont la topographie est indéfinissable. Il combine en effet des prises de vues tournées aux 4 coins du pays, afin de figurer les lieux qu'il a en tête le plus fidèlement possible.

    Et on peut dire que c'est une réussite. Rien que la géographie du film : les lieux, les habitations, la nature dévastée, tout cela confère au long métrage une atmosphère oppressante et profondément désenchantée, magnifiée par la sublime photographie en noir et blanc. Cela donne également un aspect intemporel, irréel : on assiste, impuissants, à un monde qui se meurt, sous des déluges de pluie. Un monde qui est celui de l'Europe centrale des années 1980, mais qui aurait pu être celui de la Hongrie du Moyen Âge, du 19e siècle ou peut-être même des années 2000 (voire plus).

    On comprend pourquoi le cinéaste a été inquiété par les autorités hongroises : il donne à voir une image peu reluisante de son pays. Si la pauvreté semble omniprésente, Tarr dépeint aussi la misère sentimentale et relationnelle, et pire encore, la destruction de la société hongroise, dont la corruption et la délation sont les piliers sous le régime soviétique. « Sátántangó » et « Les Harmonies Werckmeister », ses deux grands films de l'après URSS, seront tristement similaires : le communisme a créé un appel d'air et a détruit de l'intérieur la Hongrie, et rien ne semble pouvoir renaître et redonner espoir une fois que le système oppressif s’est effondré...

    On a beaucoup parlé de la forme de ce film, à la fois magistrale et difficile, rugueuse, notamment par sa lenteur exacerbée. Mais à mon sens on ne parle pas assez du fond, car ici fond et forme s'entremêlent harmonieusement et intelligemment. Ce qui fait de « Damnation » tout sauf une caricature de film d'art et d'essai chiant et imbitable. Sa valeur historique et sociologique est inestimable, tout comme sa valeur artistique bien sûr : Tarr nous fait éprouver ce qu’était la Hongrie sous le joug communiste. Ce n’est pas seulement quelque chose d’intellectuel, sur le plan des idées, c’est avant tout une expérience physique et terriblement immersive.

    C'est un film dur, certes, mais nécessaire. Un témoignage courageux et sans concession de l'enfer du communisme d'État. Un long métrage qui s'illustre par l'extraordinaire talent de mise en scène du cinéaste hongrois et par la terrible désolation de son propos.

    Plus de critiques sur mon blog http://artetpoiesis.blogspot.fr/
    Aurégane Lemière
    Aurégane Lemière

    14 abonnés 67 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 8 mai 2022
    Béla Tarr nous fait plonger en piqué dans l'esprit et la perception d'un homme perdu, enfermé dans le monde et dans son désespoir. Il est passif et n'a plus l'envie de faire partie du monde. C'est l'ennui (l'ennui qui est par moment transmis au spectateur lui-même). Le personnage principal est profondément seul, c'est un chien errant (noter la récurrence de l'animal au fil des plans). Il est spectateur de sa vie (et nous aussi). On est transporté dans cet univers. On ajoute à ça une direction d'acteur très juste, une photographie dinguissime, et une bande sonore magnétique ; une pépite à voir.
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