Il est des suites qui font aussi bien que leur prédécesseur, d’autres qui font mieux, d’autres encore qui font pire, et d’autres enfin qui sont charmantes. Rooster Cogburn est de ces dernières, et son charme – paradoxal de parler de charme pour un western qui se plaît, a contrario, à travailler au corps un personnage bourru, alcoolique et à la gâchette facile – réside avant tout dans la confrontation de deux grands, très grands, immenses acteurs : John Wayne et Katharine Hepburn. Voilà un récit fort bien mené, mais sans fulgurances, un divertissement qui nous convie à partager l’intimité pour le moins agitée d’un couple malgré lui, couple délicieux parce que proche du buddy movie : deux tempéraments, deux visions du monde, deux origines américaines – Nord versus Sud –, deux sexes enfin qui s’affrontent pendant plus d’une heure et demie. Qui s’aiment également d’un sentiment d’amitié non loin de l’amour. Et ce qui rapproche ces deux personnages célibataires, au-delà des circonstances inhérentes à l’histoire, semble relever du métadiscours : d’une réflexion plus profonde sur le genre du western au milieu des années 70, faisant de ses deux tourtereaux les avatars d’un monde et d’un genre sur le point de disparaître. Rooster Cogburn est d’emblée désigné comme une relique de l’ancien temps, un vieux reste contraint d’abandonner ses armes et son étoile pour partir en retraite ; Eula Goodnight porte, quant à elle, un nom de famille attestant cette dimension crépusculaire. Ensemble, ils offrent au spectateur un dernier tour de piste et prouvent qu’ils ont encore de beaux restes, tout comme le genre qu’ils représentent. Les voir se séparer avant le générique de fin insiste sur le refus d’un retrait hors du monde et de l’écran, d’une tranquillité signifiant la mort du western. Ils en sont la mémoire vivante et les acteurs. Deux shérifs, en somme. On ne peut que s’en réjouir. Rooster Cogburn est un western de qualité doté d’un fond certain de nostalgie pour un âge d’or passé, porté en outre par la belle composition musicale de Laurence Rosenthal.