Dans un hôtel bordelais, la foule parisienne paniquée se précipite vers l’accueil dans l’espoir d’obtenir une chambre, un couvert ou juste un lit. Cette horde de bourgeois , déconnectée de la réalité et préoccupée uniquement par la sauvegarde de ses privilèges, se retrouve tout d’un coup pris dans la réalité de la guerre et de la grande débâcle. Bordeaux est assaillit par des vagues successives de réfugiés, qu’ils soient ministres, actrices, étudiantes, espions ou criminels. La guerre et la panique renversera les rôles et , dans cette France pré-Vichyste , les élites politiques, culturelles et scientifiques essaient de se préparer et de s’adapter « au monde de demain ».
Jean Paul Rappeneau monte une galerie de personnage plus clichés les uns que les autres : le faux criminel naïf, le bandit au grand cœur, l’étudiante virginale, le ministre corrompu, l’actrice vénale. Cette succession de portraits peut avoir un certain charme s’ils sont bien écrits ; malheureusement le cinéaste n’en fait que des archétypes en les intégrant dans une histoire au manichéisme primaire. Mention spéciale d’ailleurs pour les personnages du ministre et de l’actrice joué par Gérard Depardieu et Isabelle Adjanii.
De plus, afin d’assumer la direction pleinement caricaturale du film, Rappeneau ancre son film dans un Bordeaux des années quarante à l’esthétique kitsch. La facticité des décors et des costumes ne permet pas de se projeter pleinement dans l’époque. Les voitures et vêtements n’ont aucun vécu. Tout est propre, soigné et méticuleusement arrangé dissonant ainsi avec la période de migration et de guerre. Cette reconstitution digne d’un film TV peine à convaincre.
En outre, cette vision esthétisée et manichéenne de Rappeneau provoque des incohérences grossières dans le scénario, la plus magistrale étant celle de l’espion nazi ( avec l ' accent anglais de Peter Coyote ) parlant allemand au téléphone dans des lieux très fréquentés, notamment un bar !
Ces scènes produisent au mieux des rires et au pire des soupirs de consternation devant tant de crédulité.
Malgré tout, Bon voyage est sauvé par sa mise en scène à la cadence infernale magnifiée par une composition musicale correcte.
Rappeneau a su retranscrire l’ambiance de la panique de l’époque tout en l’ancrant dans un film souvent cocasse, intelligent et subtil dans ses effets comiques.
L’humour puisse sa force dans le rythme du montage et la précipitation constante des personnages. Gérard Depardieu en est l’exemple parfait. Ce ministre surbooké, constamment en train de décider du sort de la France, est toujours en mouvement ; ses grands gestes théâtraux marquent sa préoccupation permanente, lui donnant un air de guignol, d’autant plus lorsqu’il commande du « turbot » à toute une tablée, dans la précipitation, ne laissant nullement à ses interlocuteurs le temps de prendre la parole.
La panique générale, provoquée par la rapidité de l’avancée allemande, les décisions devant être prises en urgence dans un pays scindé entre les futurs collaborationnistes et résistants, ne permettent jamais aux personnages de « prendre le temps ». Toutes les rencontres sont manquées. Les discussions de quelques secondes sont sans cesse interrompues. Si certains problèmes pouvaient être résolus en une conversation, leurs courtes durées ne permet jamais de désamorcer la situation.
Bon voyage puise son intérêt dans son rythme et son montage rapide .
Malheureusement, ce qui aurait pu être un film réellement original pêche par les carences que je viens de mentionner.