Noter cette adaptation américaine de Solaris relève clairement de la gageure, et si je me prend quand même au jeu c'est bien parce qu'un 2 répond globalement à la moyenne du vaste panel d'impressions (toutes très floues, en plus) que m'a laissé ce film de Steven Soderbergh. Pourquoi est-ce si difficile ? En grande partie parce que, personnellement, je n'ai jamais pu me dégager du spectre de la version russe de Tarkovski, comparant sans cesse les deux long-métrages en ayant des attentes prédéfinies, et qu'il est ô combien délicat de trancher pour savoir si les modifications scénaristiques apportées sont appréciables ou non - quand les thèmes abordés sont subliminaux, on peine souvent à avoir une réponse aux questions. Reste que désormais, j'ai bien du mal à savoir si cette version n'est qu'une arnaque qui joue de sa complexité apparente pour cacher un vide et duper le spectateur, ou si c'est une relecture intelligente du grand film d'auteur que fut son illustre aîné. Quoi qu'il en soit, la première partie est foirée, cherchant à concentrer le mystère et les questionnements sur certains points en détruisant donc le mystère ambiant - procédé débile de simplification qui donnait à penser que Soderbergh prenait un peu le public pour un con, avant que la suite du film devienne tellement confuse et sibylline que je doute qu'il ait jamais pu penser qu'un public de cons pourrait apprécier son travail. Quoi qu'il en soit, les dialogues sont au départ trop explicatifs, la mise en scène tellement choisie pour guider l’œil qu'elle perd toute subtilité (un plan complètement scotché sur des taches de sang quand on est censé comprendre qu'un drame s'est produit ? Quelle finesse !). Bref, un départ qui me semblait tout droit guider l'oeuvre vers la vulgarisation du film soviétique, qui tirait toute sa force de son opacité et de sa mise en scène hypnotique. Mais ensuite, vient une réorientation du scénario qui change la donne, et le rend moins équilibré peut-être que ne l'était celui du premier Solaris, mais pas sans certaines bonnes idées. La réécriture de l'histoire d'amour, en premier lieu, permet par les souvenirs - évoqués avec tact grâce à des fondus au noir et des choix photographiques pas trop tranchés - de rendre l'avatar plus tangible, plus concret, et la fin de cette love story permet mieux d'appuyer l'indépendance que prennent les souvenirs vis à vis de leur créateur. Les questionnements ontologiques sont alors assez fins, et on évite la banale romance que je craignais, surtout avec Clooney et la magnifique Natascha McElhone pour comédiens. Mais les dix dernières minutes tournent à la confusion la plus absolue. Je me demande en fait si Soderbergh ne cherche pas à y dessiner une transcendance de l'amour vis à vis des réalités apparentes et des contraintes spatio-temporelles. Dans ce cas, c'est à la fois beau et terriblement naïf. Le fond est quand même presque impossible à interpréter, ce qui rend le film personnel et introspectif mais je garde malgré tout une terrible impression de cache-misère, celle d'un scénario qui n'a rien à dire et dit n'importe quoi pour le faire oublier. Le problème étant qu'ici, Soderbergh est à des années-lumières de l'aura visuelle de l'oeuvre de Tarkovski, et que rien ne fait écho à ses réflexions mystico-ontologiques. Ah et ajoutons également qu'à part le couple principal, le casting est catastrophique. Bref, une critique indécise, confuse, embrouillée et moche, mais pas sans un fond que j'ai sans doute peiné à rendre intelligible. Donc en trois mots : comme le film.