Gangs et crimes de rue, Jonathan Kaplan trouve à présent plus de teneur dans le versant dramatique de cette réalité et ce mode de vie qui multiplient les victimes. La parole leur est donc donnée à travers des déboires qui rappellent ceux de Cheryl Araujo et qui questionnent le spectateur sur ses devoirs et sur son témoignage. Il fait acte de présence et le réalisateur nous emmène bien plus loin que prévus, hors de notre siège confortable et proche d’une cruauté que l’on contourne trop souvent. La vérité, ou plutôt la vérité, constitue le principal enjeu d’une plaidoirie malsaine et amèrement pertinente. Donnons-lui ensuite un genre et un nom, on obtient Jodie Foster, seule contre tous.
En incarnant Sarah Tobias, jeune et libérée mais qui ne revendique pas l’indépendance pour autant, on nous brosse un portrait merveilleux d’une jeunesse étincelante et qui vit l’instant, osant tout et risquant tout. Mais la narration est bien plus subtile qu’il n’y paraît et de la même manière que l’on aborde le viol de groupe, on démarre par une suggestion du drame. L’ouverture en plan fixe arbore les ingrédients d’un classique de l’épouvante et du polar de l’époque. Et pourtant, le récit affine ses idées afin de balader le spectateur jusqu’à ce qu’intervienne le personnage salvateur, Kathryn Murphy. Avocate, elle défend les valeurs d’une Sarah traumatisée, mais qui ne reste pas moins guerrière et qui montre sa motivation jusque dans son apparence. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de retrouver Kelly McGillis dans un second rôle aussi caractériel. Le masque que la comédienne porte n’est plus qu’une formalité, dès lors qu’elle partage des cicatrices similaires aux victimes du sujet qui nous préoccupe.
L’œuvre y va donc de sa simplicité, accentuant ainsi un drame humain et une réalité morbide. Entre banalités et provocations, il ne peut y avoir justice. Mais avant de penser aux remords, le film mobilise son attention sur ce qui précède l’inévitable et l’irréparable. Sarah maquille ses difficultés et tombe sans doute dans une caractérisation poussée de cette serveuse, sans ambition, sans histoire. Elle ne supplie donc personne pour ses choix de vie, aux crochets d’hommes qui ne maîtrisent pas leurs pulsions, au fin fond d’une Amérique spectatrice de sa propre bêtise. Il s’agit d’un combat mental pour celle qui se heurte ironiquement à l’autre camp de la provocation, mais qui n’hésite pas à franchir la barrière de l’intime et de la dignité. Ce qui attriste alors dans ce constat, c’est bien évidemment la place du tribunal et la raison d’une défense, qui oblige la femme violée à en justifier la cause et à en justifier la véracité de ce qu’elle a vécu.
Sans pousser à bout le théâtrale et le spectaculaire, Kaplan offre avant tout une voix à tous « Les Accusés », au même titre que les victimes. Ce parti-pris est tout aussi intelligent que son ambassadeur le plus tranchant. Kathryn trouve avec justesse les mots, l’élocution et la bravoure nécessaire pour que son discours soit pertinent sur des territoires inhospitaliers, rappelant ainsi qu’il ne s’agit ni du premier ni du dernier angle mort dans un procès.