[CW viol] Les histoires les plus morbides font les meilleurs films : c’est connu & ce ne sont pas les producteurs de Les Accusés, qui formulèrent initialement leurs scrupules quant à choisir Foster en la qualifiant avec une superbe sensibilité de ”pas assez violable”, qui diraient le contraire.
En effet, le viol est le propos du film, mais la pré-production est pirement glauque. Foster était retournée aux études pour un temps & sa carrière ne lui offrait pas d’ouvertures bien encourageantes (surtout après l’affaire Hinckley en 1981) au point qu’elle comptait l’abandonner, sa co-star Kelly McGillis a refusé le rôle principal (jetant son dévolu sur le second) pour avoir subi une agression du genre que le film dépeint en 1982, & toutes deux souffraient de la rumeur qu’elles étaient ensemble. Des concours de circonstances oppressants qui ont apposé leur marque indélébile sur une œuvre particulièrement franche.
Pourtant, le film ne se donne pas de grands airs : très typé eighties, il est cadré comme c’est la mode & nul effort ne sera fait pour tirer les acteurs (ou les personnages) de leur époque compassée. Entre diners & composition musicale à moitié horrifique, il porte le sceau de ces films qu’on boostait d’ostensible en croyant bien faire. Tout ça, c’est sans compter que l’œuvre, toute judiciaire qu’elle soit & donc malgré le fait qu’elle se ”condamne” à une fin fermée (justice vs injustice), avance avec une détermination impassible qui laisse coi.
On n’aura pas l’impression d’être pris dans les impressionnants rouages de la justice comme c’est d’ordinaire ce que l’on ressent avec le genre : parfois, le spectateur est retenu en-dehors de la pièce où l’action se passe, voire carrément en-dehors du tribunal, & subit comme les accusés la machinerie s’exerçant au-dessus d’eux mais non autour d’eux – ce qu’on pourrait dû à une victime ou des accusés, mais ça, c’est la vision filmique, globale, & le scénario ne s’y intéresse pas. Son attention sera concentrée sur les personnes, sans doute trop sur McGillis & Foster, mais elles marchent bien ensemble.
Ce côté individuel s’alliera à celui de la justice pour toujours réalimenter le scénario en possibilités, comme si le scénariste les découvrait en même temps que nous. Surtout, la création de Kaplan joue le tout pour le tout jusqu’au bout, au point que Foster aura l’impression d’avoir donné une prestation détestable qui ne la quittera pas jusqu’à l’Academy Award qui sauva du même coup le film du flop.
Même cette franchise ne laisse pas présager que le viol, objet de l’intrigue dont, pendant longtemps, on ne sait rien d’autre que les témoignages puisque le film commence juste après le crime, donnera lieu à sa reconstitution en détails, classée 53ème scène la plus insoutenable du cinéma par je ne sais plus quel magazine. Un choc qui n’a pas vieilli & qui est resté un traumatisme pour une partie de l’équipe du film (mais pas pour Foster, la ”victime”, qui a blackout pendant le tournage & ne se souvient pas d’avoir tourné la scène).
Je ne sais pas si l’on peut parler de tournage maudit, mais les histoires qui l’entourent sont plus inquiétantes que bien des scénarios. Elles l’ont transformé en un festival du borderline aussi bien réel que virtuel, lui enjoignant une vocation purgatoire toujours très efficace que ni le tournage ni le visionnage ne laissent à croire pendant longtemps. Une surprise qui a vieilli mais quand même une surprise.
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