Grand classique des années 80, "Predator" m’a longtemps laissé dubitatif. Comment un film de mercenaires se faisant étriper par un extra-terrestre belliqueux dans une jungle pouvait-il bénéficier d’un tel prestige, y compris auprès des critiques ? La réponse tient en un nom : John McTiernan. Car, il ne faut pas s’y tromper : sans le réalisateur aux commandes du projet, "Predator" n’aurait pu prétendre qu’au statut d’efficace série B (comme John Carpenter ou Wes Craven). Mais, McTiernan a su transcender son sujet en poussant la mise en scène à son paroxysme, tout en se ménageant une vraie réflexion sur la nature humaine (le retour de l’Homme à l’état de Bête en situation critique). Sur ce dernier point, je reste persuadé que le film est largement surestimé car, s’il est vrai que McTiernan a réellement soigné l’aspect métaphorique (les mercenaires qui passent du statut de chasseur à celui de proie, l’utilité des armes à feux réduite à néant face au monstre, le Predator abandonnant son arsenal comme marque de respect à son adversaire…), il n’a pas non plus articuler toute son intrigue autour de cette réflexion. Car Predator, c’est avant tout un énorme survival mené tambour battant (montage efficace, mouvement de caméras fluide, BO signée Alan Silvestri omniprésente…) doublé d’une ode à la virilité chargée en testostérones (l’inoubliable bras de fer entre Dutch et Dillon, la galerie de mercenaires sévèrement burnés, l’humour beauf magnifié…). On ne compte d’ailleurs plus les séquences explosives mais jamais anecdotiques (l’assaut du camp, la forêt réduite en cendres, l’époustouflant final entre Dutch et le Predator…) et les dialogues hardboiled ("Pourquoi faire appel à nous ? - Parce qu’il y a un connard qui prétend que t’es le meilleur", "Dillon ! Sale petit enfant d'putain !", "Cette saloperie s'est cachée là dedans comme un morpion au cul". "T'as pas une gueule de porte-bonheur"…). Quant au casting, il fait la part belle aux vraies gueules de cinéma avec un Arnold Schwarzenegger, cigare vissé au bec, qui prouve qu’il est bien plus qu’un Monsieur Muscles grâce à un charisme épatant, un Carl Weathers bien loin de son rôle d’Appolo Creed, le méconnu Sonny Landhman en mercenaire mystique, Jesse Ventura en sympathique artilleur ou encore Shane Black en comique de service (et plus connu pour être le scénariste de petits bijoux d’action comme "L’Arme Fatale" ou "Le dernier Samaritain"). Mais le principal tour de force de "Predator" est d’avoir osé le mélange des genres (pas évident d’introduire un alien dans un film de mercenaires) et d’avoir imposé son monstre comme l’une des icônes du cinéma fantastique. Il faut dire que le look du Predator, avec sa tronche invraisemblable, ses rastas, son système de camouflage et son arsenal high-tech, avait de quoi faire saliver lors de sa sortie en 1987. Le mystère autour de sa personne est également pour beaucoup dans la réussite du film et explique pourquoi ses successeurs n’ont jamais réussi à reproduire l’effet de surprise de sa première apparition. On pourra regretter que les effets spéciaux aient un peu vieilli (les apparitions camouflées du Predator manquent cruellement du fluidité) mais, au final, "Predator" n’a pas usurpé sa flatteuse réputation et restera l’un des meilleurs films d’action des années 80.