« Ah non mais tout ça pour vous expliquer qu’il m’a fallu racheter une cuvette. Pour une femme élégante, c’est indispensable, n’est-ce pas ? Aussi bien pour laver ses pieds, sa figue et son entre-sol que pour faire tremper son linge et ses épinards. »
Au moment où il adapte avec Jean-Loup Dabadie, qu’il retrouvera sur Un Eléphant ça Trompe Enormément (1976) et On Ira Tous au Paradis (1977), la pièce de Marcel Aymé Clérembard, Yves Robert compte déjà quelques succès populaires à son actif : Ni Vu Ni Connu (1958), La Guerre Des Boutons (1961), Les Copains (1965) et Alexandre Le Bienheureux (1967), ces deux derniers déjà avec Philippe Noiret en tête d’affiche.
A l’inverse d’autres réalisateurs populaires, Yves Robert tourne peu, 21 films en un peu moins de 40 ans de carrière, mais fait souvent mouche, en raison de la légèreté qui nimbe les scénarios qu’il met en images et qui transparaît à la caméra, un mélange d’humour noir et de bienveillance, porté par des interprètes typé·es : ici, outre Philippe Noiret en châtelain ruiné et tyrannique, on retrouve la resplendissante Dany Carrel dont c’est l’une des dernières apparitions marquantes, une fois encore en prostituée, Gérard Lartigau qui deviendra un fidèle d’Alain Resnais, en jeune vicomte timide et bègue et Martine Sarcey, actrice un peu oubliée mais qui restera pour ses rôles télévisés et sa voix qui a permis le doublage d’un nombre incalculable de stars étasuniennes et italiennes, ici dans le rôle de la douce et belle vicomtesse qui pardonne tout. Dans les seconds rôles, on retrouve Lise Delamare en belle-mère outrée, Claude Piéplu en parvenu véreux, Roger Carel, Robert Dalban, Patrick Préjean et… Yves Robert lui-même.
L’écueil quand on adapte une pièce de théâtre, a fortiori avec des comédien·nes dont c’est la formation (Noiret au TNP, Sarcey, Lartigau et Delamare au Français et dans les plus grandes salles parisiennes), c’est de faire du théâtre filmé, genre statique et souvent de faible intensité cinématographique. Si, effectivement, les interprètes déclament, fort bien d’ailleurs, leur texte plutôt que d’incarner leurs personnages, Yves Robert passe l’obstacle sans encombre grâce à sa caméra fluide qui capte les mouvements à la perfection et aux couleurs vives des scènes en intérieur et en extérieur. Le scénario enfin, entre humour léger et folie mystique, à la fois cocasse et troublante, émouvante même, est d’une impressionnante densité même si les péripéties sont rares. On n’est pas dans du rire gras et c’est l’une des principales qualités du film.
Un classique indémodable.