Réunir Louis de Funès et Bourvil, sous la direction de Gérard Oury, à la suite du succès du Corniaud, s’imposait comme une évidence. Retour cette fois-ci sur la comédie culte qu’est La grande vadrouille, Road Trip immortel qui, chaque fin d’année, vient rappeler à son bon souvenir les nostalgiques de la grande-époque du cinéma hexagonal. Voilà qu’une simple comédie populaire des années 60 devient le hit incontournable comique du peuple, une référence qui traverse les époques, un film inoubliable longtemps envié en pour toujours respecté. C’est un fait, mais que vaut vraiment le film de Gérard Oury?
Il est alors primordial de voir La grande vadrouille comme un héritage historique. Oui, les ficelles comiques dont usaient les réalisateurs, les acteurs et les scénaristes d’antan sont aujourd’hui complètement obsolètes. Les grimaces, la cocasserie téléphonée des séquences d’action, les mimiques des comédiens, l’exagération de la bêtise, un certain nombre de composants essentiels dans la création d’une comédie des années 60 mais aujourd’hui souvent déplacés. La Grande Vadrouille se rapproche plus, pour ainsi dire, d’un volume de Tex Avery que d’un long-métrage Disney-Pixar, pour la comparaison. Quoiqu’il en soit, ce retour en arrière, parfois presque douloureux en HD, permet de revivre les moments forts du processus de création des grands noms du milieu du 20ème siècle, le siècle du cinéma.
Aussi bénéfique que soit cette nostalgie joyeuse, certaines tirades, certaines séquence paraissent pourtant dépassées, oubliables. A l’inverse, d’autres, nettement plus cultes, continueront de fasciner de par leur simplicité, leurs aspects de jeux d’enfants, de boutades caricaturales. Ainsi, qui ne rit pas lorsque nos deux compagnons échangeront leurs chambres avec deux officiers allemands, alors que les ronflements commencent? Qui ne rit pas lorsque Bourvil porte sur son dos un Louis de Funès plus emblématique que jamais? Sincèrement, dire que la Grande Vadrouille n’est jamais drôle relève d’une forme de frustration, d’élitisme mal placée. Sans la moindre grossièreté, sans la moindre prétention intellectuelle et avec un respect primordial du public, Gérard Oury et ses comédiens sont parvenus à rassembler les foules, à faire d’une bobine de film quelque chose d’aussi populaire que les bals du 14 juillet. Un mythe.
Au final, si l’on semble connaître par cœur cette escapade en pleine France occupée, si l’on pense déjà avoir fait le tour de la question, nous mettre face à un écran diffusant la Grande Vadrouille c’est comme nous mettre en prison. Deux heures durant, à moins d’un séisme majeur, plus personne ne lève le cul de son fauteuil. C’est un fait avéré et nullement à remettre en question. Les programmateurs l’on comprit et ne manquent pas de faire du film un grand moment des vacances de fin d’année. Bref, que dire d’un si célèbre opéra comique? Balancé ses défauts? Faire son apologie? Rien de tout cela. Il s’agit simplement de respecté ses interprètes, son auteur, ses créateurs, pour avoir livrer un produit aussi indémodable que peut l’être le Coca Cola. 16/20